Winter sleep / Sommeil d'hiver
Un film que j’ai vu avec une incroyable satisfaction esthetique.
Le realisateur turc Nuri Bilge Ceylan merite bien sa reputation d’un des createurs les plus talentueux et les plus innovateurs du XXIeme siecle. Winter sleep c’est un drame avec beaucoup de profondeur psychologique qui perce le cœur. C’est le drame d’un proprietaire d’hotel (ancien acteur faisant aussi du journalisme) dans la province lointaine de Cappadoce. Un seul hiver est suffisant pour aneantir son orgueil d’activiste dans le domaine de la culture, un hiver memorable qui detruit toute sa presomption.
On retrouve le bel intellectuel turc Aydan cheminant entre les portes des maisons et son hotel « Othelo » - des logements troglodytes dirait-on, creuses dans les rochers blancs, presque irreels. Il vit avec sa sœur et sa belle femme Nihal plus jeune que lui. La fortune qu’il tient de son père lui permet de posseder des bien dans la region.
C'est l'un des thèmes du film : comment assumer le fait d'être riche lorsque l'on vit au milieu de gens en grande difficulté, certains n'arrivant même plus à payer leur loyer ? Dans une des premières séquences, le ton est donné lorsqu'un petit garçon balance un caillou dans une vitre de la voiture d'Aydin. L'accident est évité de justesse. Revêche et silencieux, le petit bonhomme ne supporte pas les humiliations que subit son père endetté de la part de ce propriétaire apparemment insensible à la détresse d'une famille pauvre.
Et puis, de scene en scene, « l’enveloppe » de cet homme possessif et cultive qui semble avoir un esprit retreci, tombe et nous sommes temoins de ses rapports et ses discussions douloureuses avec sa femme Nihal. Le film se resserre autour de leur couple. Nihal est eprise de liberte et de moral. Elle n’apprecie pas la vie qu’elle a dans ce coin hors du temps et de l’espace, mais pour y remedier, elle est prete a des concessions afin de donner un sens a sa vie.
Pendant tout le film, les immenses paysages anatoliens alternent avec le monde intime des personnages. Plein de questions se posent : Comment combattre le mal et en fait, faut-il le faire ? Doit-on assumer la culpabilite des autres ? Et comment fuir l’ennui et la detresse ?
Les roles sont magnifiquement interpretes.
Je recommande fort ce film, c’est du Tchekov dans un decor anatolien.
Dernière édition par Hesperide le Dim 12 Avr 2015 - 10:35, édité 1 fois