Titre : Victoria et les Staveney.
Auteur : Doris Lessing.
Editeur : Flammarion
Nombre de pages : 150.
Quatrième de couverture :
Victoria n’a jamais oublié sa rencontre, à l’âge de neuf ans, avec une riche famille blanche, les Staveney. Ce souvenir entêtant la poussera, des années plus tard, à entamer une liaison avec leur fils, Thomas. De cette histoire naîtra Mary, petite fille à la peau claire et au sourire radieux. En adoration devant l’enfant, les Staveney proposent de l’accueillir chez eux de plus en plus souvent. Victoria, toute à la réalisation de la chance que représenterait une telle éducation pour sa fille, n’imagine pas quelles conséquences aura sa décision.
Mon avis :
Une fois n’est pas coutume, c’est la couverture de ce livre qui m’a attirée en premier. J’ai eu envie d’en découvrir plus, et, dans ma petite bibliothèque municipale qui vient de l‘acquérir, je n’ai pas été la seule. Par contre, ne lisez pas le quatrième de couverture : il révèle l’intrigue.
Victoria et les Staveney : le titre annonce le récit. D’un côté, nous avons une jeune femme, seule, au prénom royal mais sans nom de famille, sans famille tout court, de l’autre, un clan uni. Le lecteur pressent que Victoria sera toujours à l’écart.
Ce roman brasse des thèmes brûlants : le racisme, l’hypocrisie, le féminisme. Le portrait que Doris Lessing dresse de la société anglaise est féroce, caustique. Il suffit d’une phrase ciselée, d’une simple apposition pour dynamiter la bonne société anglaise bien pensante et tolérante.
Pourtant, est-ce si différent, du côté aisé de la société ou du côté des laissés-pour-compte ? Chacune vit dans son monde, qui côtoie l’autre et ignore tout de lui. Victoria a grandi avec l’idée que les mères élèvent seules leurs enfants et que les pères s’en vont dès leur conception. Etre mère célibataire offre une indépendance illusoire puisqu’il permet d’obtenir un appartement. Jessy Staveney est actrice, et séparée de son mari, dont la seule fonction, mis à part lui permettre de jouer des scènes très réussies de disputes conjugales, est de payer les factures.
Ses deux femmes vont pourtant réaliser les rêves - en partie seulement. Victoria gardera pendant près de quinze ans le souvenir de cette maison de conte de fées, dans laquelle elle a dormi une nuit, de ces êtres merveilleux. Elle a beau être confrontée à la réalité, elle choisira de s’aveugler et de garder pour toujours cette vision idéale. Jessy s’était aveuglée depuis longtemps : elle ne voit pas les enfants qui vont et viennent chez elles, elle ne voit pas encore moins les noirs. Pourtant, leur fils cadet s’exhibe au bras de jeunes beautés à la peau chocolat, et lui offre une petite-fille caramel. Elle n’est pas un accessoire de mode, comme dans Absolutely Fabulous, elle est la preuve de l’ouverture d’esprit de Jessy, presque un acte de militantisme.
J’ai un regret toutefois : les événements se succèdent à un rythme effréné, comme si nous étions dans l’urgence. Néanmoins, ayant fait des recherches après ma lecture, j'ai découvert que ce titre, lors de sa publications en Angleterre, faisait partie d'un recueil de nouvelles, The Grandmothers. Il est dommage, à mon avis, de l'avoir morcelé et de présenter cette oeuvre comme un roman.