édition Le masque - 189 pages
Mon résumé :
L'avocat Osmo Pilki n'est pas vraiment un avocat en vogue. Je dirai même qu'il a quelques soucis d'argent, au point de se demander pour quelles raisons sa très belle secrétaire Marita reste à son service, lui qui la paie un salaire de misère. Husus, son tout nouveau client, promet pourtant de changer la donne. Ce célibataire de soixante ans, éminemment respecté, est victime de chantage. Osmo pourra-t-il l'aider ?
Ce livre a reçu le prix du roman d'aventures 1969.
Mon avis :
Ce livre est délicieusement suranné, pour ne pas dire qu'il est susceptible de faire grincer quelques dents, notamment sur le portrait qui est fait des femmes. Je vous rassure tout de suite : les hommes ne sont pas mieux lotis.
Le roman se décompose en deux parties. D'un côté, nous avons une enquête assez classique, mené par un avocat Osmo Kilpi, mélange de Perry Mason et de Nestor Burma pour la déconfiture financière et les catastrophes qu'il subit. De l'autre, se tient le procès du coupable présumé - même pas présumé car la police est sûre de son fait, et n'a que le regret de n'avoir pu arracher des aveux.
Mais revenons d'abord à notre personnage principal et narrateur : Osmo. C'est peu de dire qu'il n'y connaît rien en femmes et qu'il est d'une naïveté à toute épreuve dès qu'il est amoureux, défaut dangereux pour un avocat. Pourtant, il reste attachant car il ne ménage pas sa peine, et rien ne peut l'empêcher de mener à bien sa tâche pour ses deux clients successifs. Il montre une véritable empathie pour Armas Husus, son client qui n'a qu'une faiblesse : les femmes. En effet, le brave homme vit deux histoires d'amour en même temps. La première l'unit à une dame bien sous tout rapport, une veuve qu'il n'a pas jugé utile de demander en mariage. Elsa (tel est son prénom) est aisée, a du goût, et ne travaille que pour se rendre utile. En résumé, elle est une rentière au tempérament calme et uni, la compagne idéale d'un vieux monsieur (pour les années soixante) à la santé chancelante.
Tout le contraire est Iris, qui a presque l'âge d'être la petite fille d'Armas. La description qu'en fait Osmo est à mourir de rire. Les critères de beauté ont évolué en quarante ans, et ce qui est décrié à l'époque (son extrême minceur et son extravagance) serait loué aujourd'hui. Par contre, ce qui ne le serait toujours pas est son indécrottable bétise, dont la variété n'a de cesse de nous surprendre. Ah, ce n'est pas elle qui ferait chanter son protecteur : elle est trop sotte.
N'oublions pas la troisième femme. Non, Armas n'est pas un séducteur impénitent. A chaque Perry Mason, il faut sa Della Street et celle-ci s'incarne en la troublante Marita. Sur ce personnage encore, le temps qui a passé entre l'écriture et la lecture montre un décalage entre notre société et celle des années soixante finissantes. Marita est bien en chair, et pas juste ce qu'il faut. Bien que pas vraiment jeune (elle a 26 ans), elle n'est pas mariée, et n'a pas d'enfants. Elle aussi est entièrement dévouée à son travail, accompagnant Osmo dans toutes ses démarches, n'hésitant pas à prendre soin de lui, et à monter au front si une femme s'approche trop près de lui. Une vraie perle, vous dis-je. Elle a son pendant masculin en la personne de Sistonen, régisseur et chauffeur d'Husus. Lui et son patron se sont rencontrés pendant la guerre et quand ils se sont retrouvés quinze ans plus tard, c'est tout naturellement qu'Armas lui a offert ce travail. En lui, il a trouvé un homme de confiance, au point que c'est lui qui lui a recommandé maître Osmo Kilpi, avocat intègre et déterminé. Il ne peut savoir à quel point son choix est judicieux.
L'intrigue est resserré autour de ses six personnages dans une Finlande rurale que nous découvrons, où la simple copie d'une lettre d'amour dégoulinante de bons sentiments est susceptible de faire vaciller l'autorité du seigneur campagnard local, si intègre fut-il. Pourtant, je regrette que nous ne découvrions pas vraiment la Finlande, et que l'enquête aurait quasiment pu se situer n'importe où, tant elle est classique. Reste le coup de théâtre final, à ne pas rater et le printemps finlandais, dont Osmo Pilki regrette la douceur perdue.