Titre : Gisèle Alain
Auteur : Sui Kasai
éditeur : Ki-oon.
Nombre de pages : 186.
Présentation de l’oeuvre :
Début du XXe siècle. Héritière d’une famille noble, en rupture avec les siens, la jeune Gisèle gagne sa vie comme logeuse dans une pension. Mélange déroutant d’assurance et de fragilité, l’intrépide demoiselle décide de monter son agence pour devenir… femme à tout faire ! Sauvetage de chats égarés, négociations secrètes pour les notables de la ville, bâtisse à retaper du sol au plafond : elle découvre les aléas de la vie, tout en enchantant son entourage par sa vitalité et sa fantaisie. Mais c’est sans compter sur un passé qui ne va pas tarder à la rattraper et à jeter un voile sombre sur cette liberté fraîchement acquise…
Mon avis :
J’ai trouvé ce manga par le plus grand des hasards, à la librairie japonaise (près de la comédie-française). La couverture (avec un chat) m’a plu, et j’ai acheté les deux tomes.
Le point fort de cette série – publié par le même éditeur que Bride stories – est son graphisme, magnifique. Le parc, le jardin des plantes, ou encore l’intérieur de la maison de Gisèle, sont absolument superbes. Les dessins sont profonds, avec un grand sens de la perspective. Le soin apporté aux détails est superbe. ce manga est un régal pour les yeux.
Et l’histoire, maintenant ? L’histoire aussi est importante, et autant elle fut agréable à lire, autant certaines paroles de l’héroïne sont fortes, autant je ressens tout de même un léger malaise après l’avoir refermé. Je sens d’ailleurs, en rédigeant cet avis à chaud, que ce léger malaise risque de devenir une explosion tellurique d’ici quelques jours – autant la canaliser tout de suite.
Je n’ai rien contre les histoires gentillettes, j’ai apprécié que l’héroïne parte à la recherche du chat de sa voisine et le retrouve dans les mains d’un bienfaiteur des animaux. Pour un premier chapitre, l’entrée en matière avait de quoi me plaire, et je m’attendais à une graduation dans les récits. Pas vraiment me semble l’expression qui convient.
Gisèle est l’héritière d’une riche famille aristocratique. Elle se heurte à la dure réalité des choses de la vie – je les cherche encore ! Eric, son voisin, ne peut pas payer son loyer ? Il devient son assistant – la jeune fille ne manque pas d’argent. Gisèle rencontre une strip-teaseuse lesbienne, qui devient une de ses locataires et l’entraîne dans le cabaret où elle officie ? Gisèle n’est qu’une enfant, et ne comprend pas tout ce qu’elle découvre (hum, hum). Un des chapitres m’a même rappelé l’un de mes cours de catéchisme, dans lequel on apprend aux enfants (sages) que les adultes ne sont pas forcés de tenir les promesses qu’ils nous font, ce sont des adultes, non ? Là semble être la morale de ce manga : les désirs des enfants ne sont pas compatibles avec la réalité et la « sagesse » du monde des adultes. Ce n’est pas faux. Ce n’est pas toujours juste non plus.
Quant au dernière chapitre, il est hautement improbable. Que Gisèle et ses amis se mobilisent pour sauver une forêt me paraît très contemporain. Qu’un enfant sauvage vive seul dans la forêt et se débrouille depuis des années alors que ses parents l’ont abandonné là n’est pas crédible non plus – et la douce Gisèle n’est pas choquée par cette situation, elle qui a la chance d’être en rupture de ban avec sa famille. Je ne vous parlerai pas non plus de la chance qu’il a de se retrouver dans un bel et charmant orphelinat. Les orphelinats japonais sont peut-être mieux que les orphelinats français – pensée émue envers un orphelin de guerre qui fut séparé de ses soeurs et passa dix ans atroces dans un de ses beaux établissements.
Gisèle Alain est un superbe manga, d’un point de vue graphique. Du point de vue du récit, il est à la fois trop naïf et trop cru.