La lettre à Helga
Edition Zulma - 130 pages.
Edition Zulma - 130 pages.
Présentation de l’éditeur :
« Mon neveu Marteinn est venu me chercher à la maison de retraite. Je vais passer le plus clair de l’été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme que vous habitiez jadis, Hallgrímur et toi. » Ainsi commence la réponse – combien tardive – de Bjarni Gíslason de Kolkustadir à sa chère Helga, la seule femme qu’il aima, aussi brièvement qu’ardemment, d’un amour impossible.
Mon avis :
J’ai beaucoup aimé ce livre, même s’il manque un petit quelque chose pour qu’il soit un coup de coeur.
Ce livre est une lettre d’amour, une réponse tardive à la femme aimée, de la part d’un homme qui n’a pas voulu la suivre.
Cet amour n’a rien d’éthéré ou d’inabouti. Il fut sensuel, charnel, et quand Bjarni évoque Helga, ce n’est pas sa belle âme qu’il regrette, mais ses hanches et ses seins. Il m’a fait penser – et les rapprochements en littérature sont parfois étranges – au boulanger de Marcel Pagnol évoquant le souvenir de la belle boulangère partie.
D’ailleurs, l’Islande dont parle Bjarni est très éloigné des romans urbains d’Indridason ou de Thorarinsson, à l’exception des retours en arrière de La femme en vert. Nous découvrons une Islande rurale, où l’on s’occupe des moutons, des modifications à apporter -ou non) à leur race, du fourrage. On utilise des techniques certes étranges, archaïques diront certains, elles ont cependant fait leur preuve. L’isolement, en hiver, lors de tempête, est bien réel et provoque des situations dont on ne sait si l’on doit en rire ou en pleurer.
Dans cette petite communauté, rythmée par les saisons, les cancans vont bon train, vivre sous le regard des autres est parfois difficile. Pourtant, Bjarni n’imaginera pas vivre loin de son village, de sa campagne, de ses traditions. Sensible à la nature, hostile à l’influence de la ville et des modes étrangères, il peut être sensible au vol d’une bergeronnette – il faut admettre aussi que les oiseaux sont un bon prétexte pour acheter des jumelles… En outre, certaines pratiques, certaines techniques, l’emploi de termes crus – il appelle toujours un chat un chat – peuvent heurter des lecteurs amateurs de textes aseptisés, désinfectés, garanti sans aspérités. L’Islande est rude, sa langue et ses sagas aussi.
En effet, les villageois ont beau être coupés du monde, ils ne le sont pas de la littérature. Bjarni est d’ailleurs chargé des achats de livres, et connaît les sagas islandaises, qu’il cite à bon escient. Seule Unnur, sa femme, n’est pas réceptive, elle n’a pas besoin de livres pour vivre (me rappelant en cela les paroles du père dans La Place).
Unnur. Si cette lettre à Helga est centrée sur leur amour, j’aurai aimé savoir ce qui a amené Bjarni à se marier avec Unnur, une femme dure envers les autres, plus encore envers elle-même. L’a-t-il aimé, et si oui, comment son amour s’est-il éteint ? A Unnur, le dur quotidien et les souffrances dans sa chair. A Helga, la lettre d’amour, souvenirs de brefs moments heureux.
Ce roman islandais est l’une des plus belles découvertes de cette rentrée littéraire.
Ma note : 18/20.