Le bal des hommes
Editions Robert Laffont - 222 pages.
Présentation de l’éditeur :
Une nuit de 1934, des inconnus pénètrent dans le zoo de Vincennes, abattent et émasculent deux fauves avant de prendre la fuite. Les autorités sont convaincues que les pénis tranchés vont grossir un trafic d’aphrodisiaques destinés aux homosexuels parisiens. Elles chargent l’inspecteur Blèche de résoudre l’affaire. Blèche, homme glacé doté d’une intelligence supérieure et d’une mémoire hors norme, est à la Brigade mondaine chargé de surveiller les "invertis".
Mon avis :
L’homosexualité, on en parle, on en débat, on remet en cause les lois qui donnent aux homosexuels plus de droit. Mais s’interroge-t-on sur les conditions de vie des homosexuels avant ?
Nous sommes dans les années trente, et les personnages que nous côtoyons dans ce roman appartiennent à ce que l’on nommerait aujourd’hui « le milieu gay ».
Celui qui les connaît le mieux est Blèche, inspecteur à la brigade Mondaine. Les « invertis », « pédés », les « tantes », il les connaît tous. Hypermnésique, il est capable de réciter la « fiche » de chaque individu. Aussi, est-il le mieux placé pour enquêter sur un fait tout simple : la mutilation et la mort de deux fauves du jardin des plantes. Sauf que cette affaire n’est qu’un des branches d’un arbre à la ramure particulièrement fournie.
J’ai aimé la construction de ce roman : le passé des personnages est raconté dans de courts chapitres, avec sécheresse presque et ces brefs retours en arrière sont toujours liés à l’intrigue principale. Blèche ne porte pas de jugements moraux sur ceux qu’il rencontre (sa vie de famille le prouve assez), le narrateur n’en porte pas non plus sur lui, sur sa femme, avec laquelle Blèche entretient une relation quasi-gémellaire, ou sur son beau-frère, le fragile et fantasque Léon. Les personnages n’ont rien à cacher, strictement rien, et si je n’irai pas jusqu’à dire que certaines scènes sont à réserver « à un public averti », je crains que certains lecteurs pudibonds ne passent leur chemin. La sexualité suscite toujours plus de rejets que la violence.
Pourtant, elle est bien là, cette violence, dans les coups qui pleuvent sur certaines tantes, plus assez fraîches, trop dépendantes de la drogue (déjà). La violence est celle de la guerre passée, pendant laquelle Blèche, Lazare, qui l’a fait entrer aux mœurs, ont combattu. Pendant laquelle d’autres ont disparu, comme Anselme Roche, dont le souvenir plane sur une partie de l’intrigue. Les « séquelles » de cette guerre sont là, et la suivante s’annonce en filigrane. Dans cet entre-deux-guerres, j’ai eu l’impression non pas d’un âge d’or pour les homosexuels, mais d’une période de tolérance. Les destins de ces hommes est cependant empli de désespérance, comme si leur vie, quelle que soit leur position sociale ou leur habilité à dissimuler leur penchant, devaient forcément se terminer dans la déchéance.
Et la place des femmes ? Leur rôle est strictement défini dans le cadre du mariage – autre temps, autre répartition des tâches, le mari se doit d’assurer la subsistance de sa femme et de ses rejetons, celle-ci reste paisiblement à la maison, et peut difficilement envisager l’existence d’un autre univers que le sien, ou une évolution de la société. Et pour celles qui ne sont pas mariés, qui auraient « fauté » ? Leur sort n’est guère différent de celui des « tantes », même si les miracles existent parfois. La maman et la putain peuvent très bien être une seule et même personne.
Le bal des hommes, ou un roman policier historique, pour découvrir un aspect oublié de l’histoire contemporaine.
Ma note : 4/5.