La rivière de sang
Edition Gallmeister - 320 pages.
Présentation de l’éditeur :
Ex-star de football universitaire et vétéran de la guerre du Golfe, Dahlgren Wallace n’aspire qu’à poser ses valises. Aussi, lorsque le magnat des médias Fred Lather lui propose de devenir guide de pêche dans sa propriété du Montana, l’occasion est trop belle. Jusqu’au jour où l’un des invités se fait assassiner à quelques pas de lui. Accusé du meurtre, Wallace est contraint de mener sa propre enquête.
Mon avis :
J’ai lu un article, récemment, sur les avertissements que certains croient utiles de mettre sur les livres (je crois que cela se passe aux Etats-Unis, pas en France, du moins, pas pour l’instant). je ne parle pas bien sûr des bandeaux mis par les libraires pour présenter les livres et dire à quel point ils les ont aimés, non. Je parle de bandeaux expliquant que telle ou telle personne ne devait pas lire ce livre parce que… parce que …. On ne sait jamais ! Lire nuit gravement à la santé.
Je confirme pour ce livre : il nuit gravement à la bêtise, à l’étroitesse d’esprit et à l’inculture. Non, parce que, si vous avez l’esprit étroit, ne jurez que par les belles lettres, les très belles lettres, celles où pas un seul mot ne dépasse, où tout est de bon ton, vous êtes vraiment mal barré. Le langage peut être une arme très efficace. Prenez notre héros, Dahlgren Wallace. Il tient toujours ses promesses. Quand, plus que malmené, il promet à ses tortionnaires « un coup de pied qui lui ferait confondre ses couilles avec sa pome d’adam », et bien il le fait. Et pourtant, il n’avait rien demandé à personne. Il mène une vie bien tranquille dans le Montana, où il est guide, un peu comme le héros de William G. Tapply dans le Maine. Sa journée idéale se résume à une belle rivière, le calme, et la pêche à la mouche. Une existence des plus ordinaires pour un homme qui a un passé qui l’est un peu moins. Ah, si, tout de même : il a une aversion pour les Californiens, qui se prennent de passion pour la pêche à la mouche tout en n’y connaissant rien du tout mais croyant tout savoir ou presque grâce à leur matériel. Il ne supporte pas non plus les Mormons – et je dois dire que, eu égard à tout ce que j’ai appris sur eux dans ce roman, je les supporte fort peu également, si tant est que j’ai eu des affinités avec eux (lire Le retour du gang de la clef à molette au cas où vous voudriez en faire vos meilleurs potes). Tout allait presque bien dans la vie de Dahlgren, jusqu’à ce que son patron convie pour le week-end la personne à qui il compte acheter beaucoup d’actions, et qui se trouve être mormon ET californien – et oui, tous ne vivent pas en Utah. Il ne vient pas seul : il est accompagné de sa femme, ex-miss Utah. Par contre, c’est seul, au milieu d’une rivière, qu’il a le bon goût de se faire assassiner – et Dahlgren de se retrouver le suspect n°1, ce sont il se passerait bien.
La suite n’est pas que rocambolesque. Elle permet de découvrir non seulement la beauté des paysages du Montana, mais aussi bien des aspects de l’Amérique profonde. Non, il ne s’agit pas de cow-boy bas de plafond – les cow-boys sont loin d’être les pires et gagnent à être connus, tel le taciturne régisseur de Fred. Non, les pseudo-intellectuels, empêtrés dans leurs croyances, sont de loin bien plus dangereux et bien plus puérils. Ils peuvent faire sourire, parfois. Il faut bien du courage, pour ne pas dire de la témérité à Dahlgren pour les affronter comme il le fait, et de manière pas vraiment volontaire. Ce n’est pas son passé lors des opérations de la guerre du Golf qui peut l’amener à surestimer ses activistes du dimanche qui se croient très malins. Ils se croient très fort, les chers petits – ils ne le sont pas vraiment. Ils pourraient presque faire rire si l’on ne savait qu’il existe, dans chaque parti extrême, des gens prêts véritablement à tout. Et si Fred, le grand patron de Wallace, n’est pas toujours sympathique, ses opposants ne le sont jamais. Et, comme Dahlgren, Fred n’a pas peur d’employer un langage très cru : « Quoi les autres employés du ranch ? Y s’raient pas foutus de vider une botte pleine de pisse même si le mode d’emploi était détaillé sur le talon. » ou encore « J’ai lêché tellement de culs de banquiers que j’ai la langue en costume trois pièces ».
Quant aux enquêteurs officiels…. ils sont très doués. Mention spéciale pour l’agent du FBI, qui pratique la récupération de manière particulièrement active.
La rivière de sang est un excellent roman noir, à découvrir pour ceux qui n’ont pas peur des gens qui disent crument ce qu’ils pensent.