LA VIE A L’USAGE
Editions Lanskine – 2016 – 80 pages
La vie à l'usage
Attente de la femme aimée lors de ses rendez-vous à l’hopital de la grande ville voisine. Moments suspendus, dans les cafés, les restaurants, il regarde la ville. Et le «je» du narrateur, repoussé en fin de vers, exprime parfaitement la position de celui qui attend, hors de lui. Une vie entre parenthèses dans laquelle les choses (la voiture...), la chienne deviennent les seules certitudes.
Prose poétique, poésie en prose, Manuel Daull emploie une langue imagée et lancinante, répétitive, rythmée par les rendez-vous, instants différents et pourtant si semblables dans leur abstraction.
Le livre s'accompagne d'une lecture par Manuel Daull que l'on peut rerouver sur Youtube
comme j’aime
cette forme d’oubli des gens
ceux que l’on aime
le plus au monde pourtant – je
veux dire au point de ne plus les reconnaître
peut-être ma mémoire
me joue-t-elle des tours
j’ai pourtant une mémoire assez visuelle
cette impression
ne repose pas sur le visuel seulement
j’ai leur image en tête
mais je crains
qu’ils aient changé
que leurs visages changent
au point que je
ne puisse plus les identifier
Mon avis :
Je suis allé écouter Manuel Daull lors d’une soirée poétique organisée à la librairie La lucarne des écrivains, à 75019 Paris. Je l’ai écouté lire son poème sur Youtube et, bien entendu je viens de lire ce livre au titre révélateur.
On ne lit plus ou peu de poésie. C’est comme ça, ça reviendra peut-être un jour, qui sait. Nous avons, cependant, tous, en mémoire une poésie apprise à l’école. Elle est inscrite dans notre souvenir et est immuable.
Quand je peux, je lis des textes poétiques, des poèmes et l’oiseau qui vole dans ma tête s’envole. Il revient à sa convenance soit quand la lecture est terminée, soit plus tard quand l’air accompagnant les textes, tel un refrain, dont on est content qu’il soit là, que l’on garde précieusement, flotte en moi.
Hier j’ai lu la poésie de Manuel.
J’ai, à nouveau, ce matin lu quelques passages.
Je suis encore sous le charme de ses mots qui s’élèvent telle la fumée d’une cigarette qui prendrait son temps avant de s’évaporer.
La répétition des « j e», des mots, des verbes, donne de l’amplitude au texte, comme si les paragraphes demandaient une pause pour respirer.
Je m’imagine un bistrot, une table ronde, un cendrier plein de mégots, des bruits d’ambiance, murmures des conversations, une baie vitrée laissant voir la vie de l’autre côté, dehors, à l’extérieur, dans la rue et le poète qui rêve et écrit, laissant parler son âme. Il se libère, il est pressé, les images sont fugaces et il faut les graver vite. Il s’y emploie. Un enfant passe, un oiseau chante, autant de tranches de vie qu’il doit sculpter.
Son pinceau stylo brosse, lie, pose ses aplats légers ou plus épais selon le temps qu’il ressent, sur la toile de son imagination.
Le texte est magnifique, si simple et si prenant.
Un bon moment de lecture
De la bien belle poésie
Un coup de cœur.
Il faut se laisser bercer par la poésie de Manuel Daull.