LA SAISON DES FEUX
Celeste NG
Editions Sonatine - 2018 – 378
Le mot de l’éditeur
A Shaker Heights, banlieue riche et tranquille de Cleveland, tout est soigneusement planifié pour le bonheur des résidents. Rien ne dépasse, rien ne déborde, à l’image de l’existence parfaitement réglée d’Elena Richardson, femme au foyer exemplaire.
Lorsque Mia Warren, une mère célibataire et bohème, vient s’installer dans cette bulle idyllique avec sa fille Pearl, les relatons avec la famille Richardson sont débord chaleureuses. Mais peu à peu, leur présence met en péril l’entente qui règne entre les voisins. Et la tension monte dangereusement à Shaker Heights.
Après Tout ce qu’on ne s’est jamais dit (Sonatine Éditions, 2016), Celeste Ng confirme avec ce deuxième roman son talent exceptionnel. Rarement le feu qui couve sous la surface policée des riches banlieues américaines aura été montré avec autant d’acuité. Cette comédie de mœurs, qui évoque l’univers de Laura Kasischke, se lit comme un thriller. Avec cette galerie de portraits de femmes plus poignants les uns que les autres, c’est aussi l’occasion pour l’auteur de dresser un constat d’une justesse étonnante sur les rapports sociaux et familiaux d’aujourd’hui.
Mon avis :
La famille Richardson, le père avocat, la mère journaliste et leurs quatre enfants, deux filles et deux garçons, vit à Shaker Heights, endroit où tout est policé, lissé, prévu, planifié et organisé. Ils possèdent une petite maison en dehors de ce lieu de rêve qui est louée régulièrement. Justement un des deux appartements étant libre c’est Mia Warren, photographe et sa fille Pearl, quinze ans, qui y emménagent.
Fatalement les adolescents se rencontrent, se reçoivent et se découvrent dans leurs secrets, leurs amitiés et leurs amours.
Les enfants Richardson voient dans Mia une mère totalement différente de la leur ainsi qu’inversement Pearl pour les Richardson. Les uns sont épris de la liberté qu’ils entrevoient chez Mia Warren et Pearl apprécie la stabilité des Richardson qu’elle n’a jamais eue avec sa mère.
Dans cette excellent roman, d’une auteure que je découvre, les feux sont tout autant ceux qui brûlent que ceux qui consument le coeur et l’âme et que, parfois ce ne sont pas forcément ceux qui détruisent le matériel qui font le plus mal.
Ces jeunes gens qui se cherchent et qui sont en pleine effervescence de leurs sens, de leurs émois et de leurs responsabilités, vivent et vivront plusieurs situations qui marqueront leurs existences au fer rouge, même si le temps, ce grand sculpteur, comme dit une certaine, permettra d’arrondir la vie quotidienne.
Et quand bien même on n’est plus à la période des câlins, l’âge faisant, certaines en manque trouveront que cela fait, quand même, bigrement du bien. Entre la rébellion et l’affection ainsi que des bras qui consolent le fil est tellement ténu…
L’auteure est une musicienne, dans un style épuré au possible, redondant et progressif comme Ravel pour son Boléro, le même thème, répété à l'infini, lent au départ avec ajout d'instruments à chaque passage, pour finir en explosion en propre comme en figuré. L’aboutissement du mal commis, constaté au début du bouquin, trouve son aboutissement dans le développer littéraire qu’en fait Celeste Ng.
Ces portraits de femmes, montrent dans leurs rôles de mères ou futures mères mais aussi dans la déchirure des actes manqués ou provoqués, l’infini difficulté de vivre en paix avec soi même et de celle des choix à effectuer. Rien de ce qui est écrit, ici, n’est anodin et tout est soigneusement orchestré par une auteure au style, encore une fois, juste, efficace et touchant.
C’est vrai que, de par l’intrigue intensément dramatique, ce livre se lit comme un thriller. Un immense coup de coeur.
B