La ferme aux poupées
édition Agullo – 400 pages
Présentation de l’éditeur :
L’inspecteur Mortka, dit le Kub, a été envoyé à Krotowice, petite ville perdue dans les montagnes. Officiellement, il est là pour un échange de compétences avec la police locale. Officieusement, il y est pour se mettre au vert après une sale affaire. S’il pense être tranquille et avoir le temps de réfléchir à l’état de sa vie personnelle, il se trompe lourdement.Quand Marta, onze ans, disparaît, un pédophile est rapidement arrêté, qui reconnaît le viol et le meurtre de la petite.
Mais l’enquête est loin d’être terminée : les vieilles mines d’uranium du coin cachent bien des secrets… et peut-être quelques cadavres.
Il faudra tout le flair du Kub pour traquer des trafiquants dont la cruauté dépasse l’entendement.
Mon avis :
La Pologne est-elle en passe de devenir la nouvelle patrie du roman policier ? Peut-être.
Je ne vais pas vous dire que vous devez ab-so-lu-ment lire ce livre séance tenante, abandonner votre lecture en cours et vous précipiter chez votre libraire préféré. Je vous expliquerai simplement pourquoi ce livre a été pour moi un coup de coeur.
Tout a commencé parce que j’avais très envie de découvrir cet auteur, peu importe avec lequel de ces deux romans traduits à ce jour en français (il en a écrit quatre). Quand j’ai vu que la bibliothèque Parment avait acquis ce livre – le tome 2 – je me suis littéralement jetée dessus. La précédente enquête de l’inspecteur Mortka l’a contrainte à se mettre au vert, sous couvert d’un programme d’échange, d’un « pont » comme ils disent en Pologne, pour que les policiers de Varsovie découvrent les charmes de la province polonaise. Puis, cet enquêteur s’appelle Jakub, comme mon grand-père, et j’ai rarement vu un héros dont le prénom est orthographié ainsi. J’ajoute aussi que, dans la plus pure tradition polonaise, certains personnages sont nommés par leur diminutif.
Kretowice, c’est calme, très calme. Un modèle de tranquillité. Mais une jeune adolescente disparaît. C’est la seconde fois en quelque mois. La première disparition n’a guère fait de vague. Pourquoi ? Le Kub va le découvrir très vite. Je pourrai aussi vous dire : « on en apprend un peu plus sur la communauté tzigane polonaise ». Non. On apprend plutôt comment la communauté tzigane est vue par le polonais (très) moyen. La police ne fait pas exception. Pour la seconde par contre, on met le paquet, même si les parents ne sont pas des modèles du genre. Ils ne sont pas maltraitants, non, ils ont à la limite de l’être. L’enquête va vite, très vite, puisqu’un suspect est appréhendé et avoue tout – sauf l’endroit où sont les corps. Le Kub et ses collègues ne s’avouent pas vaincu, cherchent, et trouvent, pas vraiment ce qu’ils s’attendaient à trouver : quatre cadavres de femmes adultes mutilées au fond d’une mine.
Jakub est avant tout un policier. Il enquête. Il enquête constamment, et tant pis si cela déplaît. Il pense quasiment constamment à son enquête. Autant dire que sa femme l’a quitté depuis un certain temps, emportant avec elle leurs deux fils. Elle a même refait sa vie, semble très heureuse, et se montre toujours très remontée contre son ex mari, qui ne consacre pas assez de temps à leurs fils. Lui-même en convient. Il lui est difficile d’être un père serein quand ses enquêtes lui font découvrir le pire dont l’humain est capable.
J’ai pensé à la fable du Chêne et du roseau « qui plie mais ne rompt pas ». Le Kub, lui, c’est le contraire : il être prêt à rompre plutôt que de plier, la notion de carrière lui est totalement étrangère, et la commission de discipline,il a déjà pratiqué. Cette position n’est pas causée par l’intuition dont nous rebattent les oreilles certains auteurs français, il s’agit simplement de se fier à ce qu’il a observé, aux preuves qu’il a récoltées. Pas facile d’être un transfuge varsovien. Sa seule préoccupation est pourtant de trouver qui a commis ces crimes, rendre justice aux victimes. Tâche colossale. Que les présumés coupables ne se cherchent pas d’excuse : le Kub ne plie pas.
Je terminerai par ces citations :
– On est qui on est, répondit Mortka qui ne trouva rien de plus sensé à dire.
– Oui, confirma le Rom après réflexion. C’est vrai. Je regrette que Lucilla l’ait oublié.
A chaque affaire, à chaque cadavre, il laissait une partie de lui-même. IL ramenait jour après jour un peu moins de lui chez lui. IL fut submergé parla peur de disparaître, ne laissant derrière lui qu’une coquille vide, une mécanique sans pensée ni sentiment. […] Il avait pourtant bien résolu cette affaire. […] Qu’il ait perdu une part de lui-même… Si c’était le prix à payer, après tout…