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3 participants

    LI, Yiyun...

    Nina
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    Message  Nina Sam 29 Sep 2018 - 23:31

    LI, Yiyun... Cvt_ch10

    Cher ami, de ma vie je vous écris dans votre vie
    Edition Belfond - 224 pages

    Présentation de l’éditeur :

    Pendant deux ans, Yiyun Li s’est battue contre une profonde dépression. Et pendant ces deux années, elle s’est mise à nu et a composé Cher ami, depuis ma vie je vous écris vers votre vie, un essai à la fois douloureux et extrêmement riche, l’exploration d’une intériorité doublée d’une plongée brillante au coeur des plus grands esprits de la Littérature : William Trevor, Katherine Mansfield, Søren Kierkegaard ou encore Philip Larkin…

    Mon avis :


    Ce n’est pas que j’ai été déçue en découvrant ce livre, c’est que j’ai été perplexe à sa lecture. J’ai même plutôt été soulagée en le refermant. Pourquoi ?
    Tout d’abord, l’auteur était en pleine dépression quand elle a écrit son livre, elle a été hospitalisée à deux reprises, et si elle ne nous décrit pas les mécanisme de la dépression, elle nous montre cependant ceux qui l’ont entouré – les femmes qui ont partagé sa chambre, le personnel soignant, dont le diagnostique, les propositions pour tenter de la sortir de sa dépression, étaient très éloignés de son ressenti, son mari également. Plus qu’une dépression, c’est une incapacité à ressentir et à dire ses sentiments, ses émotions, qui frappent l’auteur. Est-ce l’écriture qui l’a sorti de sa dépression ? Non, mais écrire lui était nécessaire, parce que l’écriture n’est pas, ne va pas nécessairement de soi : devenir orpheline de ma langue natale me paraissait, me paraît encore, une décision cruciale.
    Pour écrire, se pose la question de la langue, et l’une des causes de la difficulté d’être de Yiyun est peut-être, je dis bien peut-être là. Elle a toujours écrit en anglais. Chinoise, émigrée aux Etats-Unis, elle n’a jamais écrit en ce qui constitue sa langue maternelle et elle s’interroge sur ce qu’écrire en une langue qu’elle ne maîtrisait pas parfaitement à ses débuts a pu induire dans sa façon d’écrire. Je dis bien écrire tout court, je ne parle pas de la constitution d’une intrigue, ou autre. Elle nous montre aussi comment elle se détache de ses livres, après qu’ils ont été écrits, publiés, ce que d’autres auteurs, comme William Trevor, ne ressentent pas nécessairement. Elle renvoie aussi à ceux qui lui reprochent de ne jamais avoir écrit dans sa langue maternelle, ceux qui lui demandent quand elle écrira dans sa langue maternelle. Je place encore une citation, parce que cet essai est riche de réflexion : Il est difficile de ressentir dans une langue adoptive, et pourtant il m’est impossible de le faire dans ma langue natale. .
    Sa mère occupe une place à part dans ce livre, au coeur d’une enfance qui fut particulière, non à cause de l’Histoire, mais à cause de la manière d’être de sa mère face à ses filles. A travers le récit de son enfance, de sa jeunesse, Yiyun Li s’interroge et nous interroge sur ce qu’est l’autobiographie, sur le fait que nos souvenirs sont aussi ceux des autres, et qu’ils les voient, les interprètent selon le prisme de leur propre souvenir : Il y a une différence entre ne pas avoir été oublié et être pris dans les mailles de l’esprit de quelqu’un. Yiyun se refuse aussi à revisiter l’histoire, à commémorer : ce dont elle se souvient, les faits qui l’ont marqué, qu’elle a vécu, ne sont pas forcément ceux qui sont ressassés lors des commémorations.
    Plus j’écris, plus j’ai l’impression que ce livre est aussi celui du refus, et développe une idée de l’écriture pour l’écriture, d’un dialogue entre les livres aussi, plus qu’entre les auteurs. Elle montre l’influence qu’a eu sur l’écriture d’un de ses romans Les coeurs détruits d’Elizabeth Bowen – ce dont un seul journaliste s’est aperçu. Elle parle aussi de Katherine Mansfield, de Virginia Woolf, de la manière dans chacune d’elles parlait de l’autre dans leurs écrits personnels. D’ailleurs, existe-t-il des écrits personnels quand on est écrivain, et que deviennent-ils à la disparition de celui-ci ? Le paradoxe étant que Yiyun Li a lu les correspondances des auteurs qu’elle apprécie, et qu’elle parle aussi de la destruction des journaux intimes, ou de l’échec de leur destruction. Autre question auquel le lecteur peut s’interroger (le chercheur en littérature se la pose-t-il seulement) : dans quelle mesure les écrits personnels, intimes d’un auteur concernent-ils le public ?
    Je suis allée peut-être un peu loin dans mon interprétation. Peut-être. Il est tant d’autres points dont il faudrait parler, d’idées que Yiyun Li développe, sur la manière dont un jeune lecteur s’approprie, de manière personnelle la lecture d’un roman pour la première fois, sur le rapport lecture/lecteur (Lire, c’est être avec des gens qui, contrairement à ceux qui nous entourent, ne remarquent pas notre existence). Sur le suicide, aussi. Ce n’est pas un thème, dans l’essai de Yiyun Li, c’est une réalité qui l’entoure, notamment par les paroles de sa mère, qui commence toujours ses échanges avec sa fille en lui relatant la mort ou le suicide d’une relation. Pour quelles raisons ? L’auteur s’interroge sur le sujet, mais elle ne s’interroge pas sur les causes du suicide, décision personnelle.
    Le livre s’en va et « meurt » : Quand un livre prend vie pour son lecteur, il est déjà mort pour son auteur. La postface contient elle aussi des interrogations, non sur le fait de publier ou non ce livre, mais sur ce que sera le devenir de l’auteur après ces deux ans de dépression, réfutant la grandiloquence (c’est moi qui use de ce terme) de son médecin, revenant aussi sur l’écriture de cet essai, sur ce que l’écriture lui a permis de surmonter.
    Au lecteur, maintenant, de partager (ou non) cette plongée dans l’écriture et la dépression.
    Ratdebibliotheque
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    ML
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    Message  Ratdebibliotheque Dim 30 Sep 2018 - 14:16

    Merci pour cet avis, Nina.
    Nina
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    Message  Nina Dim 30 Sep 2018 - 16:12

    Merci Ratdebibliothèque pour ta visite.
    Pinky
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    Message  Pinky Lun 1 Oct 2018 - 8:44

    merci Nina pour cette présentation, je suis dubitative...
    Nina
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    Message  Nina Lun 1 Oct 2018 - 11:15

    Merci Pinky pour ta visite.
    Une lecture éprouvante, d'où cette longue chronique.
    Nina
    Nina
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    Message  Nina Dim 26 Mar 2023 - 16:58

    LI, Yiyun... Cover356

    Partir quand même
    édition Belfond – 368 pages.

    Présentation de l’éditeur :

    À quatre-vingt-un ans, Lilia a enterré trois maris, élevé cinq enfants et vu naître dix-sept petits-enfants. L’heure est venue de vivre un peu pour elle. Et de se plonger dans un livre qui l’intrigue : le journal d’un certain Roland Bouley, un auteur resté obscur mais qui occupe une place particulière dans son existence.

    Et pour cause, Lilia l’a connu en 1945, quand Roland était vaguement en poste aux Nations unies. Quand ce séducteur invétéré papillonnait de l’une à l’autre en promettant le mariage à toutes. Quand Lilia vivait dans une ferme avec son père veuf et ses nombreux frères et sœurs. Elle avait seize ans, elle était vive et délurée. Elle voulait échapper à sa vie, et Roland est arrivé.

    Aujourd’hui, Lilia est curieuse de découvrir le journal de celui qu’elle n’a jamais oublié. De découvrir aussi ce que ce journal dit de sa vie à elle, de la vie qu’ils auraient pu avoir et de la vie qu’elle a menée, malgré tout…

    Mon avis :

    De Yiyun Li, j’avais lu Cher ami, de ma vie je vous écris dans votre vie récit autobiographique bouleversant dont j’ai retrouvé dans ce roman, certains thèmes. N’ayant lu que ces deux oeuvres de cette autrice, je ne peux dire si c’est une constante, ou si seules ses deux oeuvres sont concernées, cependant, j’y ai été sensible.

    Le premier thème, c’est celui du lien mère/fille, ou, pour élargir, parents/enfants. Lilia a choisi de vivre les dernières années de sa vie dans une maison de retraite, c’est son choix, ce ne sont pas ses enfants qui l’ont forcée, d’ailleurs, ils ne comprennent pas vraiment sa décision – et ce n’est pas la seule chose qu’ils ne comprennent pas chez Lilia. L’on pourrait dire qu’elle est une vieille dame acariâtre, désagréable, mais c’est plus que cela : Lilia a toujours été une femme dure, une femme sans complaisance envers elle-même et envers les autres, une femme, dirai-je, qui n’a que faire de ce que les autres ont à lui dire, à lui confier. Rabrouer tout le monde est une constante. Ne pas voir certains signes, aussi, et pourtant, elle a grandi avec une mère, disparue jeune, qui n’a pas vécu la vie qu’elle aurait aimé vivre et qui a, certainement, dû renoncer à ses rêves, s’abîmant jour après jour dans la détresse. Oui, dans les années cinquante/soixante, l’on faisait moins attention aux comportements à risque, à la dépression, l’on ne pensait même pas que cela pouvait exister. Lilia, fille et petite-fille de pionnier, qui a dû travailler dur dès son adolescence a eu cinq enfants et en a élevé six avec Gilbert, son mari : Lucy, sa fille aînée, s’est suicidée à l’âge de 28 ans, parce qu’elle n’en pouvait plus de sa vie. (Note : le fils aîné de l’autrice s’est suicidé et elle lui a consacré un ouvrage). Lilia et Gilbert ont élevé Katherine, sa fille, son père, Steve, ayant très vite disparu de leur vie. Tout au long du récit, Lilia s’interrogera, sur sa fille, sur les raisons qui l’ont amené à ne pas vouloir vivre un jour de plus, sur ce que sa fille attendait de la vie, sur ce que, peut-être, elle aurait dû lui dire : qu’elle n’était pas la fille du mari de sa mère, mais de Roland, un homme que Lilia a rencontré quand elle avait 16 ans et qu’elle voulait changer de vie.

    C’est là que je retrouve un second thème de l’oeuvre de Yiyun Li : les écrits autobiographiques. Dans Cher ami, de ma vie je vous écris dans votre vie , elle s’interrogeait sur les écrits personnels qui survivent à un auteur. Ici, nous suivons la lecture que fait Lilia du journal de Roland, journal qui a été réduit des deux tiers par celui qui l’a édité – Roland ne voulait pas qu’il soit publié de son vivant. A chaque partie qui a intéressé Lilia, nous pouvons voir les notes qu’elle destine à sa petite-fille Katherine. Elle lui écrit, finalement, tout ce qu’elle ne lui dit pas, tout ce qu’elle ne parvient pas à dire – alors que j’ai eu l’impression que certains faits étaient des secrets de Polichinelle. Au fur et à mesure de ma lecture (l’oeuvre est vraiment très dense), j’ai dû faire la part des choses entre ce que Roland écrivait de lui, de ses amours (il ne consacre que quelques pages, et encore, à Lilia), et ce qui s’était réellement déroulé. Roland, orphelin très jeune, semble souvent aussi dur que peut l’être Lilia, lui qui n’est pas prêt à écouter celles qui sont en deuil, lui qui ne comprend pas que l’on puisse dialoguer avec son fils mort depuis longtemps (comme Yiyun Li elle-même l’a fait dans un autre ouvrage). Il ne craint pas cependant de s’auto-apitoyer sur son sort, entre la carrière diplomatique qui fut un échec, et son rêve de devenir romancier, un autre échec. Même sa vie amoureuse, entre la femme épousée et la femme aimée, ne fut pas vraiment une réussite. Qui pour lire le journal intime de cet homme ordinaire ? Les lettres, qu’il a écrite à la femme aimée et qu’elle lui avait demandé de détruire, ce qu’il refusa ? Plus simplement, peut-on lire les écrits intimes de quelqu’un qui n’a rien de remarquable ?

    Roland écrivait pour lui. Lilia écrit pour sa fille qui n’est plus, pour sa petite-fille et son arrière-petite-fille. J’aurai aimé savoir comment elles recevraient ce texte.
    Pinky
    Pinky
    M
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    Message  Pinky Mar 28 Mar 2023 - 9:18

    merci Nina pour cette belle présentation qui donne envie
    Nina
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    ML
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    Message  Nina Mar 28 Mar 2023 - 10:00

    Merci Pinky !

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