Le chant des revenants
Edition Belfond - 280 pages
Quatrième de couverture :
Jojo n’a que treize ans mais c’est déjà l’homme de la maison. Son grand-père lui a tout appris. De son autre famille, Jojo ne sait pas grand-chose. Ces blancs n’ont jamais accepté que leur fils fasse des enfants à une noire. Et puis il y a Leonie, sa mère, qui vient d’apprendre que Michael, son mari, va sortir de prison et qui décide d’embarquer les enfants en voiture pour un voyage plein de dangers, de fantômes mais aussi de promesses…
Mon avis :
Dans ce roman, Léonie est noir, Michael, le père de ses enfants, est blanc. Ce n’est rien de dire que ses beaux-parents ne l’ont pas acceptée – ils ne connaissent même pas leurs petits-enfants. Ils rendent la jeune femme, qui est tombée enceinte à dix-sept ans, responsable de tout le mal qui est arrivé à leur fils, aujourd’hui en prison. Plus pour très longtemps, et quand Léonie apprend qu’il va sortir, elle met illico ses deux enfants dans la voiture pour un voyage assez long, embarque sa meilleure amie (dont le conjoint est aussi emprisonné) et direction la prison.
Dit ainsi, cela pourrait ressembler à un road trip, un voyage initiatique. Pas vraiment. Plutôt le voyage d’une mère qui ne sait pas s’occuper de ses enfants, qui ne comprend même pas leurs besoins les plus simples (boire et manger) et passe complètement à côté d’eux. Quand le récit se focalise sur elle, on sait, on sait qu’elle les aime – un peu, à sa façon – et on sait surtout qu’elle ne sait pas du tout comment faire avec eux. Elle jalouse même Jo, son fils, qui lui sait comment s’y prendre avec Kayla, sa petite soeur. Il faut dire qu’il n’a pas eu le choix, qu’il fallait bien quelqu’un pour pallier les défaillances de sa mère. Certes, les grands-parents sont là, mais la grand-mère est malade, et le grand-père veille sur elle, et doit faire face avec ses propres… démons ? fantômes ? Les deux à la fois.
Qui sont les revenants dont nous parlent le titre ? Given, le frère de Léonie, décédé accidentellement ? Ou d’autres, que le grand-père a connu dans sa jeunesse, quand le seul fait d’être noir et de commettre quelques petites bêtises pouvaient suffire à vous envoyer en prison. L’esclavage n’existe plus, l’esclavage légal des prisons si – ou la rééducation par le travail. Si jamais cela fait renaître des souvenirs ainsi, vous n’avez pas tort.
Ce ne sont pas tant des rencontres que vont faire Léonie, Milly, et les enfants qu’un parcours balisé qu’ils vont suivre, dans cette Amérique des bas-côtés, celle que l’on ne montre pas. Ce ne sont pas tout à fait les oubliés du rêve américain, non, ce sont ceux qui n’ont jamais rêvé. Ce sont plutôt des cauchemars qui hantent leur nuit, comme celles de Michael, qui revit incessamment l’accident de la plate-forme, cauchemars dont l’amour, passionné, que lui porte Léonie, ne parvient pas à enrayer. Elle l’aime tant qu’elle ne peut aimer leurs enfants.
L’écriture est belle, forte, poétique, et ne craint pas de montrer, de donner à voir. Par la voix des revenants, elle ressuscite ce passé dont seul le grand-père se souvient, mais d’autres peuvent voir, entendre les revenants, dont Richie, lien entre le passé et le présent.
Un roman à lire avec attention et précaution.