Dans la rue de l'école
Edition Cherche-midi - 284 pages
Présentation de l’éditeur :
La rue de l’école, elle monte. Ou elle descend, c’est selon. En haut, les façades des immeubles sont un peu noires. Plus bas, les villas s’ouvrent sur des allées de graviers blancs. Ici, les habitants trimballent leur passé et bricolent leur présent. Au n° 7, Karine et son fils, Naël, essaient de repartir de zéro, ou plutôt de ne plus y rester. Juste au-dessous, Kamel apprend à être seul avec ses filles, Siryne et Nour. Au n° 24, Julie, la maman parfaite et quadra bien sous tous rapports, se cherche dans cette maison trop grande, dans ce confort qui l’encombre. Au milieu, au n° 12 : l’école publique. Nour disparaît un jour. Qu’ils viennent du haut ou du bas de la rue, les voisins se mobilisent pour la retrouver. Peut-être aussi pour se trouver. L’histoire d’une rue, d’un quartier, d’une société fissurée que l’on peine à rafistoler.
Mon avis :
Ce roman est l’histoire d’une rue, d’un quartier, d’une ville dans la ville, presque, unie par une école – par opposition à la campagne, où les enfants doivent se rendre dans d’autres communes que la leur, selon leur classe, pour cause de regroupement scolaire.
C’est le récit aussi de la gentrification d’un quartier, là où certains résistent encore. Améliorer le cadre de vie, c’est bien, à condition de ne pas chasser certains habitants qui n’auraient plus les moyens d’y vivre. Le mot « lien social » n’est pas prononcé, pourtant il en est qui arrive très bien à le nouer, à le maintenir, sans le dire, sans presque y penser.
L’école justement. Il est question de l’antagonisme entre l’école publique et l’école privée. Pourquoi choisir la seconde ? parce que les résultats obtenus sont meilleurs, paraît-il, parce que la mixité sociale est quasi nulle surtout. Rester dans l’entre-soi de ceux qui ont réussi et qui ont les mêmes intimes convictions, qu’y a-t-il de mieux pour reproduire à l’identique le schéma de la réussite ? Oui, je développe un peu trop cet aspect, qui n’est que secondaire dans ce roman magnifique, qui nous parle de tant d’autres faits, notamment avec Marie, la directrice de l’école publique. Marie est un personnage emblématique, qui impose les règles, les mêmes pour tous, sans passe-droit : chaque enfant a droit aux mêmes égards, au même droit de s’expliquer, de dire. Il est un enfant, non l’adulte auquel il joue être, parfois, quand les responsabilités ou la solitude sont trop lourdes. Marie, qui a fort à faire avec son corps, qu’elle espère enfin se réapproprier – son personnage permet d’évoquer la grossophobie ordinaire dont sont victimes les personnes trop fortes, parce que, comme tant d’autres personnes, elles sont victimes de clichés. Thème secondaire du roman, à nouveau, que j’ai trouvé important de voir abordé.
Marie porte son école à bout de bras, avec, aussi, des enseignants qui vont dans la même direction qu’elle : pas de fausses notes dans l’équipe éducative, même si, forcément, on se sent toujours plus proche de certains collègues.
Qui dit école, dit enfants, dit parents. Parfois, l’enfant peut être vu comme un dû, un objet que l’on souhaite s’accaparer, s’approprier. C’est le sentiment que j’ai eu avec Karine et le père de son fils – elle-même à la dérive peine tant à donner un sens à sa vie qu’elle ne peut plus grand chose pour son propre fils. Julie non plus ne se sent plus très bien dans une existence qui est à l’opposée de celle de Karine. Elle a un bon travail, un bon mari, deux enfants qu’elle choie, pour lesquels elle ne veut pas le meilleur (le plus cher) mais le plus épanouissant pour elle. Julie se cherche aussi, et il est difficile aussi d’en parler, quand on a tout pour être heureuse aux yeux des autres.
Le lien est privilégié entre les parents et les maitresses (maîtres aussi, même s’ils sont moins nombreux) : elles voient les parents matin et soir. En fait, elles ont tellement l’habitude de voir les mamans qu’elles en oublient les papas, et s’étonnent à peine d’en voir un faire son apparition, comme Karim. Tant qu’un des parents tient la route, tant que les enfants semblent bien aller, on ne s’offusque pas de l’absence de l’autre. Pour Karim, pour sa fille aînée, il s’agit aussi de ne pas répondre aux questions, de ne pas dire ce qui est déjà indicible : le fait d’avoir une femme, aimée, une mère, aimante, perdre pied, se déconnecter de la réalité, ne plus être là pour ses enfants, être hospitalisée, pour être soignée, oui, mais loin, physiquement, psychiquement. Alors, oui, c’est dur pour Nour, l’aînée des filles, celle qui, par son âge, par son tempérament, était le plus proche de sa mère. J’ai beaucoup aimé la représentation du personnage de Karim : il a beau faire de son mieux, et il le fait, comme tous les parents ou presque, il est des moments où tout devient trop lourd. Noor a perdu son poids d’ancrage, et c’est pour cette raison qu’elle disparaît : pour en (re)trouver un autre.
Un roman coup de coeur.
Edition Cherche-midi - 284 pages
Présentation de l’éditeur :
La rue de l’école, elle monte. Ou elle descend, c’est selon. En haut, les façades des immeubles sont un peu noires. Plus bas, les villas s’ouvrent sur des allées de graviers blancs. Ici, les habitants trimballent leur passé et bricolent leur présent. Au n° 7, Karine et son fils, Naël, essaient de repartir de zéro, ou plutôt de ne plus y rester. Juste au-dessous, Kamel apprend à être seul avec ses filles, Siryne et Nour. Au n° 24, Julie, la maman parfaite et quadra bien sous tous rapports, se cherche dans cette maison trop grande, dans ce confort qui l’encombre. Au milieu, au n° 12 : l’école publique. Nour disparaît un jour. Qu’ils viennent du haut ou du bas de la rue, les voisins se mobilisent pour la retrouver. Peut-être aussi pour se trouver. L’histoire d’une rue, d’un quartier, d’une société fissurée que l’on peine à rafistoler.
Mon avis :
Ce roman est l’histoire d’une rue, d’un quartier, d’une ville dans la ville, presque, unie par une école – par opposition à la campagne, où les enfants doivent se rendre dans d’autres communes que la leur, selon leur classe, pour cause de regroupement scolaire.
C’est le récit aussi de la gentrification d’un quartier, là où certains résistent encore. Améliorer le cadre de vie, c’est bien, à condition de ne pas chasser certains habitants qui n’auraient plus les moyens d’y vivre. Le mot « lien social » n’est pas prononcé, pourtant il en est qui arrive très bien à le nouer, à le maintenir, sans le dire, sans presque y penser.
L’école justement. Il est question de l’antagonisme entre l’école publique et l’école privée. Pourquoi choisir la seconde ? parce que les résultats obtenus sont meilleurs, paraît-il, parce que la mixité sociale est quasi nulle surtout. Rester dans l’entre-soi de ceux qui ont réussi et qui ont les mêmes intimes convictions, qu’y a-t-il de mieux pour reproduire à l’identique le schéma de la réussite ? Oui, je développe un peu trop cet aspect, qui n’est que secondaire dans ce roman magnifique, qui nous parle de tant d’autres faits, notamment avec Marie, la directrice de l’école publique. Marie est un personnage emblématique, qui impose les règles, les mêmes pour tous, sans passe-droit : chaque enfant a droit aux mêmes égards, au même droit de s’expliquer, de dire. Il est un enfant, non l’adulte auquel il joue être, parfois, quand les responsabilités ou la solitude sont trop lourdes. Marie, qui a fort à faire avec son corps, qu’elle espère enfin se réapproprier – son personnage permet d’évoquer la grossophobie ordinaire dont sont victimes les personnes trop fortes, parce que, comme tant d’autres personnes, elles sont victimes de clichés. Thème secondaire du roman, à nouveau, que j’ai trouvé important de voir abordé.
Marie porte son école à bout de bras, avec, aussi, des enseignants qui vont dans la même direction qu’elle : pas de fausses notes dans l’équipe éducative, même si, forcément, on se sent toujours plus proche de certains collègues.
Qui dit école, dit enfants, dit parents. Parfois, l’enfant peut être vu comme un dû, un objet que l’on souhaite s’accaparer, s’approprier. C’est le sentiment que j’ai eu avec Karine et le père de son fils – elle-même à la dérive peine tant à donner un sens à sa vie qu’elle ne peut plus grand chose pour son propre fils. Julie non plus ne se sent plus très bien dans une existence qui est à l’opposée de celle de Karine. Elle a un bon travail, un bon mari, deux enfants qu’elle choie, pour lesquels elle ne veut pas le meilleur (le plus cher) mais le plus épanouissant pour elle. Julie se cherche aussi, et il est difficile aussi d’en parler, quand on a tout pour être heureuse aux yeux des autres.
Le lien est privilégié entre les parents et les maitresses (maîtres aussi, même s’ils sont moins nombreux) : elles voient les parents matin et soir. En fait, elles ont tellement l’habitude de voir les mamans qu’elles en oublient les papas, et s’étonnent à peine d’en voir un faire son apparition, comme Karim. Tant qu’un des parents tient la route, tant que les enfants semblent bien aller, on ne s’offusque pas de l’absence de l’autre. Pour Karim, pour sa fille aînée, il s’agit aussi de ne pas répondre aux questions, de ne pas dire ce qui est déjà indicible : le fait d’avoir une femme, aimée, une mère, aimante, perdre pied, se déconnecter de la réalité, ne plus être là pour ses enfants, être hospitalisée, pour être soignée, oui, mais loin, physiquement, psychiquement. Alors, oui, c’est dur pour Nour, l’aînée des filles, celle qui, par son âge, par son tempérament, était le plus proche de sa mère. J’ai beaucoup aimé la représentation du personnage de Karim : il a beau faire de son mieux, et il le fait, comme tous les parents ou presque, il est des moments où tout devient trop lourd. Noor a perdu son poids d’ancrage, et c’est pour cette raison qu’elle disparaît : pour en (re)trouver un autre.
Un roman coup de coeur.