Turbulences
édition Albin Michel – 198 pages
Présentation de l’éditeur :
Douze vols, douze voyageurs en transit à travers la planète, douze destins individuels liés les uns aux autres. Après Ce qu’est l’homme, finaliste du Man Booker Prize, l’écrivain britannique David Szalay nous emmène aux quatre coins du monde, explorant ce lieu de passage par excellence qu’est l’aéroport. De Londres à Madrid, de Dakar à São Paolo, à Toronto et à Doha, ce sont des fragments d’existence qui tissent le récit pour finalement se rejoindre. Avec une impressionnante économie de moyens et une grande subtilité, Szalay en saisit l’essence, captant chez chacun de ces êtres, en suspens à des milliers de mètres d’altitude, les zones de turbulences auxquelles la vie les expose.
En offrant une vision panoramique en perpétuel mouvement, Turbulences esquisse un portrait de l’humanité en temps de crise, et nous interroge sur notre place et notre rapport aux autres dans ce vaste réseau interconnecté qu’est le monde d’aujourd’hui.
Mon avis :
Turbulences est un titre si proche et si lointain à la fois en cette période, un de ses livres sorti juste avant le confinement, et dont on ne parle pas assez.
Douze destins qui se croisent, douze parties soigneusement reliées les unes aux autres, comme si un des personnages passait le témoin à un autre. Les personnages sont saisis à un moment de leur vie, un moment important, qui nous permet de pleinement de les connaitre. Cela nous permet également de voir à quel point le monde est devenu petit, parce que nous effectuons avec eux un tour du monde, partant de l’Angleterre pour y revenir : Jamie, le patient anglais, réunit presque malgré lui sa famille qui vient d’Espagne (sa mère) ou de Budapest (sa fille) alors que son ex-femme vit au Qatar.
Oui, la maladie et/ou la famille sont les fils conducteurs de ses voyages. Peu partent dans le but de faire du tourisme, voir même pour leur travail, et encore, dans ce cas, ils gardent des liens avec leurs proches, leur famille – ainsi Werner contacte Sabine, à Francfort. Le but des voyages est avant tout de rejoindre un membre de sa famille, en une sorte de réunion (les frères Abir et Abhijit), pour apporter un soutien moral (Anita et sa soeur Nalini) ou assister à un heureux événement : Marion, écrivain étudiée à Hong-Kong « plante » littéralement la journaliste venue du Brésil pour la bonne cause : sa fille est sur le point d’accoucher. D’un côté, cela me questionne : pourquoi prendre l’avion alors qu’il est tant de moyen d’interviewer quelqu’un – ce à quoi se résoudra la jeune femme, finalement, faire parvenir les questions via internet. De l’autre, le lecteur peut voir à quel point il est facile de voyager d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre, même si les vols sont longs, même si des turbulences perturbent les vols, même si la phobie de l’avion existe et si des accidents sont toujours possibles.
Si proche, si loin également : Nalini ne voit son mari Shamar que tous les deux ans, il ne peut pas rentrer plus souvent – ou ses employeurs ne lui permettent pas de rentrer plus souvent (le coût du voyage est assez effarant). Cette absence lui pèse et cette situation n’est pas normale, quelle que soit la manière dont on envisage les faits. Alors, et pas seulement dans le cas de Shamar, l’on en vient à imaginer la vie de l’autre, là-bas, de supposer – et le lecteur, par le biais de ses douze personnages, de découvrir d’autres réalités. IL n’a jamais été aussi facile de fuir, il n’a jamais été aussi facile de se réinventer.