Le retour de Silas Jones
édition Albin Michel – 384 pages
Présentation de l’éditeur :
Dans le Mississipi des années 70, tout aurait dû séparer Larry Ott et Silas Jones : la classe sociale et la couleur de peau. Les deux adolescents sont pourtant devenus amis, jusqu’à ce que la disparition d’une jeune fille vienne bouleverser leurs existences. Vingt ans plus tard, Silas Jones revient sur les lieux de son enfance. Alors qu’il n’a aucune raison de reprendre contact avec Larry, une nouvelle tragédie les oblige à se confronter, ensemble, à un passé douloureux.
Mon avis :
C’est long, une vie. C’est long une vie pendant laquelle tout le monde vous a jugé coupable après la disparition d’une jeune fille. C’est ce que vit Larry Ott depuis plus de vingt ans, et pourtant, il est resté dans sa maison, dans son garage où plus personne ne vient. Il est resté, en dépit de l’hostilité même pas cachée de certains, il est resté, bien que la police pense très clairement qu’il est coupable. Il est resté, et Silas Jones est parti, puis revenu.
Il est parti parce qu’il avait un avenir pleine de promesses, l’université, le base-ball – le sport est toujours un moyen d’obtenir une bourse, la couleur de peau n’entre alors plus en ligne de compte. Les blessures ont changé tout cela, et si Silas revient, c’est en tant que l’équivalent de garde champêtre, quasiment. Est-ce son retour qui fait bouger les choses ? Une autre jeune fille disparaît, et le si calme Larry Ott est retrouvé une balle dans la poitrine, chez lui. Silas lui sauvera la vie, et ne pourra cependant empêcher, à nouveau, la police de le croire coupable – de cette balle dans sa poitrine, de la mort des deux jeunes femmes.
Le roman fait de constants aller retour entre le présent et le passé. Nous voyons ainsi l’enfance et l’adolescence de Larry et de Silas, comment ils ont tenté de se construire, sous l’égide du père de Larry. L’un blanc, l’autre noir, et une amitié rendue peu à peu impossible, pas tant à cause de leur couleur de peau qu’à celle de tous les secrets qui finissent par les enserrer.
Et le présent ? Ce sont de petits détails qui parfois font la différence – comme Silas qui, pendant que Larry est hospitalisé dans le comas, se rend chez Larry et nourrit ses poules, ramasse leurs oeufs, donne de leurs nouvelles au comateux Larry, se rend aussi au chevet de la mère de Larry, puisque lui ne peut plus le faire. Et tant pis si cela force Silas à se confronter à tout ce qu’il n’avait pas compris étant enfant. Il lui faudra du courage pour agir, et pour parler – parce que parler, révéler c’est aussi agir.
Faut-il mieux avoir eu un père maltraitant que de ne pas avoir de père du tout ? Tel est la question qui sous-tend le roman tout entier et ne trouve pas de réponses, si ce n’est que l’on peut lire les ravages que ce père – Carl Ott – trop présent ou trop absent a causé.