Les oubliés
édition Lajouanie – 304 pages
Présentation de l’éditeur :
En enquêtant sur la disparition d’un rocker sur le retour, un ancien flic, viré du S R P J de Strasbourg pour une bavure monumentale, découvre que de nombreux marginaux disparaissent sans laisser de traces… Pister l’ancien chanteur va l’amener à croiser une cohorte de personnages pour le moins saisissante : fonctionnaires véreux, migrants apeurés, adolescents déboussolés, musiciens de seconde zone, criminels en mal de rédemption…
Mon avis :
Serge aurait dû faire une belle carrière de policier. Seulement, une bavure magistrale en début de carrière en a décidé autrement. Serge, cependant, vit assez bien : ses missions de soudeur intérimaire lui permettent de vivre, il est en couple avec Maryse, coiffeuse de son état, et est un beau-père acceptable pour Jenny, dix-huit ans. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que Jenny lui demanderait un service sous prétexte qu’il est un ancien policier – depuis le temps, il y a quasiment prescription : retrouver le père de son petit copain, mystérieusement disparu. Seulement, voilà : les policiers n’ont pas vraiment le temps de se préoccuper de la disparition d’un quinquagénaire, rocker de son état (si c’est possible) qui parvient à vivre de ses chansons, de ses concerts, même si ceux-ci se rapprochent davantage du bal populaire que de Bercy. De là à dire que Jimmy (son nom de scène) est parti en goguette avec une fan, a décidé de changer de vie, il n’y a qu’un pas que les policiers ont franchi – il est tant d’adultes qui disparaissent.
Enquêter n’est pas si facile. Les membres du groupe ? Ils sont tellement rangés que j’ai envie de les qualifier de retraités du rock. La famille ? Sa femme alterne période de normalité et période de coaltar médicamenteux, fourni par la médecine. Son fils s’inquiète – un peu – tout en cultivant son étrangeté. Les amis d’enfance ? Ils sont bizarrement tournés, et, dans le cas de Boris, sont presque sympathiques. A leur contact, Serge se surprend à réutiliser les techniques d’interrogatoire enseignées dans sa jeunesse. La police, c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. Pour Serge, c’est aussi l’occasion de renouer plus finement avec ses amis de l’époque, de voir pour eux deux le chemin parcouru – une belle carrière, une famille, un chien aussi – et, entre deux détours, une découverte. Puis plusieurs.
William alias Jimmy n’est pas le seul à avoir disparu : plusieurs SDF ont disparu des radars également. Leur disparition a beau être signalée, on ne peut pas dire qu’ils soient véritablement retrouvés. Qui se préoccupent d’eux ? Qui les voient ? Qui se souvient encore de leur identité ? Serge lui-même se rend compte très vite des préjugés bien établis : un SDF, des sdf, pas « Boris et Dimitri » : ils sont ressentis comme un groupe, un ensemble, dont chaque membre serait parfaitement identique, inidentifiable, comme si la rue, la violence, ce qu’ils avaient vécu les rendaient tous semblables. Je note aussi qu’il est effrayant de voir le temps qu’il faut pour s’en sortir, pour se réhabituer à une vie en dehors de la rue : au moins une année, à condition d’être aidé, accompagné. Le travail est énorme, sans fin, pour cette population vulnérable – j’ai failli écrire « plus vulnérable qu’on ne le dit », mais qui parle d’eux dans les médias ? Quasiment personne.
Il est des personnes qui les aident – c’est un peu comme écoper une fuite d’eau avec une cuillère à café. Il en est d’autres qui profitent d’eux, même si cela semble impensable – dès le moment où l’autre n’est plus vu comme un être humain mais comme une charge, un fardeau pour la société, alors le pire est à craindre.
Roman policier mais pas que, pour reprendre la devise de la maison d’édition, Les oubliés jouent avec les codes du roman policier, pour mieux dresser un état des lieux de notre société, dans laquelle tout va bien – jusqu’à ce que ce qu’elle pensait cacher ne puisse plus l’être.
édition Lajouanie – 304 pages
Présentation de l’éditeur :
En enquêtant sur la disparition d’un rocker sur le retour, un ancien flic, viré du S R P J de Strasbourg pour une bavure monumentale, découvre que de nombreux marginaux disparaissent sans laisser de traces… Pister l’ancien chanteur va l’amener à croiser une cohorte de personnages pour le moins saisissante : fonctionnaires véreux, migrants apeurés, adolescents déboussolés, musiciens de seconde zone, criminels en mal de rédemption…
Mon avis :
Serge aurait dû faire une belle carrière de policier. Seulement, une bavure magistrale en début de carrière en a décidé autrement. Serge, cependant, vit assez bien : ses missions de soudeur intérimaire lui permettent de vivre, il est en couple avec Maryse, coiffeuse de son état, et est un beau-père acceptable pour Jenny, dix-huit ans. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que Jenny lui demanderait un service sous prétexte qu’il est un ancien policier – depuis le temps, il y a quasiment prescription : retrouver le père de son petit copain, mystérieusement disparu. Seulement, voilà : les policiers n’ont pas vraiment le temps de se préoccuper de la disparition d’un quinquagénaire, rocker de son état (si c’est possible) qui parvient à vivre de ses chansons, de ses concerts, même si ceux-ci se rapprochent davantage du bal populaire que de Bercy. De là à dire que Jimmy (son nom de scène) est parti en goguette avec une fan, a décidé de changer de vie, il n’y a qu’un pas que les policiers ont franchi – il est tant d’adultes qui disparaissent.
Enquêter n’est pas si facile. Les membres du groupe ? Ils sont tellement rangés que j’ai envie de les qualifier de retraités du rock. La famille ? Sa femme alterne période de normalité et période de coaltar médicamenteux, fourni par la médecine. Son fils s’inquiète – un peu – tout en cultivant son étrangeté. Les amis d’enfance ? Ils sont bizarrement tournés, et, dans le cas de Boris, sont presque sympathiques. A leur contact, Serge se surprend à réutiliser les techniques d’interrogatoire enseignées dans sa jeunesse. La police, c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. Pour Serge, c’est aussi l’occasion de renouer plus finement avec ses amis de l’époque, de voir pour eux deux le chemin parcouru – une belle carrière, une famille, un chien aussi – et, entre deux détours, une découverte. Puis plusieurs.
William alias Jimmy n’est pas le seul à avoir disparu : plusieurs SDF ont disparu des radars également. Leur disparition a beau être signalée, on ne peut pas dire qu’ils soient véritablement retrouvés. Qui se préoccupent d’eux ? Qui les voient ? Qui se souvient encore de leur identité ? Serge lui-même se rend compte très vite des préjugés bien établis : un SDF, des sdf, pas « Boris et Dimitri » : ils sont ressentis comme un groupe, un ensemble, dont chaque membre serait parfaitement identique, inidentifiable, comme si la rue, la violence, ce qu’ils avaient vécu les rendaient tous semblables. Je note aussi qu’il est effrayant de voir le temps qu’il faut pour s’en sortir, pour se réhabituer à une vie en dehors de la rue : au moins une année, à condition d’être aidé, accompagné. Le travail est énorme, sans fin, pour cette population vulnérable – j’ai failli écrire « plus vulnérable qu’on ne le dit », mais qui parle d’eux dans les médias ? Quasiment personne.
Il est des personnes qui les aident – c’est un peu comme écoper une fuite d’eau avec une cuillère à café. Il en est d’autres qui profitent d’eux, même si cela semble impensable – dès le moment où l’autre n’est plus vu comme un être humain mais comme une charge, un fardeau pour la société, alors le pire est à craindre.
Roman policier mais pas que, pour reprendre la devise de la maison d’édition, Les oubliés jouent avec les codes du roman policier, pour mieux dresser un état des lieux de notre société, dans laquelle tout va bien – jusqu’à ce que ce qu’elle pensait cacher ne puisse plus l’être.