Zanzibar
édition Julliard – 240 pages
Présentation de l’éditeur :
Sur la carte, Zanzibar ne ressemblait à rien. Un bout de terre à peine visible, parasite traînant au large des côtes d’une Afrique colossale. C’est pourtant pour cette île qu’elle avait décidé de tout lâcher : son boulot, sa famille, ses potes, sa routine, la vie bien comme il faut qu’on avait souhaitée pour elle et qui l’éteignait. Elle allait se tirer au soleil, se construire une carrière digne de ce nom, sans patron sur le dos pour lui rappeler que le haut de la pyramide, c’est pour les bonshommes. Là-bas, son corps aussi prendrait sa revanche. Son corps poli de jolie jeune femme de la classe moyenne pourrait s’en donner à cœur joie. Elle était prête à boire, à fumer, à danser sur la plage, à suer contre les garçons et à baiser jusqu’à plus soif.
Ce roman raconte une île tropicale d’une beauté franche et sale, théâtre de rencontres exaltées entre des jeunes Européennes qui ont tout plaqué pour tenter leur chance loin de chez elles et des beach boys ambitieux, décidés à saisir les opportunités laissées par un tourisme écrasant. Il nous parle, sans détours, de ces têtes brûlées d’aujourd’hui, de leur désir forcené de réussir.
Mon avis :
J’ai trouvé la lecture de ce livre passionnante. Il nous parle d’hommes, de femmes, qui veulent, eh bien qui veulent finalement beaucoup de choses : s’en sortir, prendre soin de leur famille, être amoureux(se), accomplir leurs rêves.
Problèmes : ils n’ont pas tous les mêmes rêves. Nous avons d’un côté des jeunes femmes européennes, qui sont venues en vacances et sont restées, voire même qui ont tout plaqué pour s’installer à Zanzibar. Je pense par exemple à Ethel, qui est un modèle de réussite professionnelle. Sa vie personnelle est un peu moins heureuse, mais elle a tout de même été mariée, a eu un fils qui étudie à l’université. C’est elle qui a demandé le divorce, pour rendre sa liberté à son mari, qui avait quinze ans de moins qu’elle. Et là, le récit nous montre déjà le coeur du problème : la place des femmes, pas seulement à Zanzibar, non, mais dans notre société occidentale. Ethel aura mis du temps à comprendre que son père, si brillant, n’a pu mener sa si brillante carrière que parce que sa mère s’est sacrifiée pour lui, sans trouver cela anormal. S’il avait réellement tenu son rôle de père auprès d’être, peut-être aurait-elle choisi une autre orientation scolaire, ce qui lui aurait évité de finir placardisée à trente ans, parce que les postes à responsabilité ne sont pas données à des femmes. Elle n’est pas la seule à expérimenter cet adage ici.
Ce n’est pas seulement une vie professionnelle décevante que ses femmes ont pu fuir, c’est aussi la volonté de quitter la voie qu’on leur avait tracé depuis le début. C’est le cas de Mathilde, qui se sent bien à Zanzibar, même si elle a eu du mal à prendre le rythme de ce pays. Elle rêve d’avoir un enfant avec l’homme qu’elle aime, mais dont elle ne supporte plus les défauts qui étaient à ses yeux des qualités quand elle s’est mise en couple avec lui.
Je parle des femmes, mais il faudrait aussi parler des hommes, du travail qu’ils fournissent, des efforts qu’ils font pour tenter d’avoir une vie meilleure. Omar, qui a eu aussi la chance d’avoir une mère particulièrement industrieuse, a saisi sa chance, entrepreneur respecté, mari et père comblé. Je pense aussi à ce beach boy dont nous suivons le parcours, Dolce, qui maîtrise parfaitement son métier, sait se rendre indispensable auprès des touristes, se rapprocher des jeunes femmes européennes, qu’il est assez facile de séduire – ne sont-elles pas aussi venues pour cela ? Mais sait-il encore quel est son rêve, lui qui a une petite fille, qui vit en Suède auprès de sa mère ? Oui, il est allé en Europe, mais il y a été confronté au racisme ordinaire. Il a été confronté aussi aux différences de climat – c’est une chose de rêver de voir la neige, s’en est une autre de la supporter.
Un constat amer ? Oui. Même les histoires les plus réussies, si j’ose employer ce terme, cache douleurs, renoncements et déception. Zanzibar est cependant une oeuvre toute en nuance, que j’ai pris plaisir à lire.