Le murmure de l'ogre.
Edition Seuil- 442 pages.
Présentation de l’éditeur :
Nice, 1922. Deux prostituées sont assassinées, le crâne rasé et le corps recouvert d’étranges symboles. Bientôt, ce sont des enfants qui disparaissent et qui sont retrouvés égorgés aux quatre coins de la ville dans une mise en scène macabre. Louis Forestier, un commissaire des brigades mobiles créées par Clemenceau, se lance sur les traces de celui que les journaux ont surnommé « l’Ogre ». Il est épaulé par Frédéric Berthellon, un spécialiste des pathologies mentales de l’hôpital Sainte-Anne venu exprès de Paris, et par Raphaël Mathesson, un richissime érudit, aviateur à ses heures perdues.
Mon avis :
Ce livre est un roman historique, mais il n’est pas un pensum ennuyeux, dans lequel un auteur nous rase littéralement avec ses connaissances en oubliant d’écrire une intrigue (j'ai quelques titres en tête). Non ! Nous sommes plongées littéralement dans cette France de l’après-guerre, avec aussi beaucoup d’étonnement. Le XXIe siècle n’a pas inventé les serial killers, ils étaient simplement pas médiatisés, pas connus, peu identifiables. Imaginez une série actuelle sans ADN, sans profiler. Inimaginable pour un scénariste ! Et pourtant, les policiers, les juges ont longtemps travaillé ainsi. Regardez à nouveau la série Les brigades du Tigre, ou lisez ce roman, qui n’est pas sans les évoquer.
Deux prostitués ont été assassinés, deux enfants ont été kidnappés et assassinés à leur tour, avec une « logique » sous-jacente, que détecte Louis, vaillant enquêteur à Nice. Il est marié, il a un fils, il a fait la guerre, comme son ami Frédéric, médecin à Sainte-Anne, qui se remet mal de l’agression qu’un de ses patients lui a fait subir. Aider son ami est une bonne chose, du moins, je le dis du bout des lèvres : il n’est jamais simple d’évaluer la « folie » d’un homme, encore moins de l’empêcher d’agir. « Le drame, conclut Frédéric, c’est que le seul moyen que nous ayons de l’arrêter est d’attendre qu’il agisse à nouveau. » Je ne saurai mieux dire.
S’il est un personnage qui apporte une bouffée d’oxygène, c’est Raphaël. Riche, cultivé, gay (et envisageant le mariage), il est un aviateur émérite et ne manque pas d’humour : "Si je mourais dans mon lit, vous seriez encore capable de me reprocher mon intrépidité …." dit-il à sa gouvernante, toujours inquiète pour son maître, qu’elle connaît sans doute depuis qu’il est tout petit.
Bien que le roman mesure 442 pages, le rythme est vraiment enlevé, nous sommes avec les policiers dans leur course contre la montre pour identifier le coupable et sauver le troisième enfant qu’il a enlevé… à moins qu’il n’y en ait plus d’un. Il faut, toujours, se méfier des apparences, même si l’auteur se garde bien de sombrer dans les clichés, ce que j’avais craint un instant. Ainsi, parfois, nous sommes dans la tête du tueur, ou plutôt dans son passé, ce qui nous permet de découvrir comment il s’est construit, ou plutôt comment sa personnalité s’est désagrégée petit à petit, face aux épreuves qu’il a endurées. Attention ! Jamais un des personnages ne justifie l’horreur de ses actes par le passé de cet homme, comprendre ne signifie pas excuser, et le chemin est long qui mène (ou pas) à la connaissance.
Je ne peux que vous recommander chaudement cette plongée dans le Nice des années 20.