Créé en 1940 le ghetto de la ville de Lodz, le plus grand de Pologne, survécut jusqu'en 1944 alors que les nazis avaient prévu d'en exterminer la population en moins d'un an.
Ce sursis est dû à la personnalité d'un seul homme Mordechaïm Rumkowski, Président du Conseil Juif. Convaincu que si les juifs se rendaient indispensables à l'effort de guerre allemand, ils seraient ainsi épargnés.
Rukowski transforma le ghetto en une cité ouvrière hyper-productive. Pris au piège de sa logique, il sacrifia les inadaptés, et les indésirables (malades, veillards, enfants). Il se mua ainsi, consciemment ou non, en un très efficace rouage de la machine d'extermination nazie.
Pour écrire ce roman, l'auteur s'est inspiré des archives du ghetto de Lodz. Y étaient collectés quantité de faits officiels mais aussi d'informations interdites cachées par les résistants (jounaux intimes, tracts, bulletins de guerre alliés, cartes militaires.
Mon avis : Volodia
J'ai trouvé ce livre non seulement très intéressant mais également très bien documenté. Nous avons toutes les pièces nous permettant de situer et de comprendre les rouages de fonctionnement des ghettos (je dis des, car celui de Lodz fut le précurseur de ce qui allait se passer dans tous les autres).
Malgré tout, je vais me faire l'avocat du diable. En cause dans ce livre l'attitude semble-til arrogante et suffisante de Chaïm Rukowski et de son extrême "servilité" vis à vis des Allemands. La tenue de discours particulièrement insupportables demandant aux parents de livrér leurs enfants, et leurs vieillards considérés comme improductifs. Ainsi que bien d'autres faits qui lui sont reprochés.
Au jour d'aujourd'hui et avec ce que nous savons eu égard à ce qui se passait dans les camps, il est facile de s'ériger en juge. Mais en 1942, si beaucoup connaissaient l'existence des camps (juifs et non juifs j'insiste, des cartes postales circulaient en Europe occupée et les soldats parlaient à leur retour chez eux), seul un petit nombre savait ce qui s'y passait réellement. Par ailleurs, même Rukowski était tout puissant, il lui fallait l'accord du Conseil Juif pour prendre toutes ses décisions et le Judenrat avait voté avec le personnel médical du ghetto à 90 % l'abandon des enfants et des vieillards improductifs dans le but, illusoire on le sait maintenant, de sauver le plus de juifs restants.
Compte tenu de la famine, de la maladie, des brimades et des tortures journalières qui régnaient dans le ghetto, qu'est-ce qui était le plus dur pour des familles ? voir leurs proches mourir à petits feux ou une mort directe ? Aucune solution n'est acceptable, mais la seconde pourrait paraître plus supportable. On peut toujours penser que la guerre prendra fin bientôt, mais quand le bientôt dure trop longtemps...
Il faut également ne pas oublier que toutes ces populations juives venaient de milieu très divers et que la majorité d'entre-elles qui venaient du prolétariat étaient extrémement pauvres et déjà épuisées du fait des discriminations naturelles envers les juifs (déjà en 1930) bien avant l'anchluss, puis leur pauvreté fût pendant et après par lui en 1938 lorsqu'elles furent réduites à la misère sociale organisée (saisie de leurs outils de travail, interdiction de vendre à des non juifs quelques marchandises que ce soit, etc...) jusqu'à l'enfermement dans des ghettos où là encore, elles eurent à subir des vols, de l'exploitation etc...C'est cette population exangue que Rukowski s'est efforcée de sauver, et peu importe les moyens employée dussent-ils être insurportables et intolérables et dut-il s'avillir aux yeux des allemands comme de son peuple.
Je ne justifie pas sa mégalomanie, ni sa pédophilie avérée, ni ses autres monstrueux défauts. J'essaye de réfléchir et faire la part des choses. Il semble établit que sous la direction de Rukowski la distribution de vivre se soit faite équitablement à tous. Que des activités éducatives et culturelles se soient développées clandestinement, mais qu'également et même si cela paraît dur, les méthodes appliquées aient assuré la survie du ghetto jusqu'en 1944.
On oublie également que le Judenrat, la police du ghetto (dont les membres étaient des chrétiens convertis) et les chefs d'ateliers étaient eux-même en sursis et qu'à l'intérieur du ghetto chacun essayait de sauver sa peau comme il le pouvait. J'ai bien conscience que cela n'excuse pas tout, mais quand même, si un membre d'une famille avait une place dans l'administration ghetto, il était compréhensible qu'il en fasse profiter les autres, ou des proches ou des amis. Dans ces cas là, l'homme reste un homme chacun pour soi et Dieu pour tous. Il n'y a plus de peuple élu, seulement des malheureux et des miséreux qui ne savent à qui se vouer.