Pique-nique à Hanging-Rock
Edition Le livre de poche. 480 pages.
Mon résumé :
Australie, 14 février 1900. L’été touche à sa fin.
Les jeunes pensionnaires de Mrs Appleyard attendent depuis des mois ce pique-nique annuel, non loin du Hanging Rock, un immense massif rocheux. Revêtues de leurs mousselines légères, elles partent dans une voiture tirée par cinq superbes chevaux bais. Après le déjeuner, les demoiselles s’assoupissent à l’ombre des arbres. Mais quatre d’entre elles, plus âgées, obtiennent la permission de faire une promenade. Enivrées par cet avant-goût de liberté, elles franchissent un premier ruisseau… puis disparaissent dans les hauteurs. Quand, tard dans la nuit, la voiture regagne le pensionnat, trois adolescentes manquent à l’appel.
Mon avis :
J’ai vu le film de Peter Weir, il y a quelques années, et j’étais très curieuse de lire le roman.
Ce roman est strictement féminin, et la gente féminine en prend pour son grade. Y a-t-il une personne à sauver, dans cette intrigue, mis à part les disparues et Sara, petite orpheline dont le tuteur s’occupe quand il en a le temps, c’est à dire pas souvent ? Curieux personnage que ce tuteur, qui n’a pas de lien de parenté avec elle, et dont on peut se demande pour quelles raisons il l’a prise sous sa protection.
Toutes les femmes dépendent d’un homme dans ce récit, toutes agissent, ou presque, en fonction d’un homme. Prenez Mrs Appleyard, la directrice de cette pension pour jeunes filles de très bonnes familles, familles qui sont le plus souvent extrêmement loin et ne s’intéressent que de loin en loin à leurs progénitures. Les cours prodigués sont « à la carte », et si certaines familles paient des suppléments, permettant ainsi à la directrice de faire de confortables bénéfices, d’autres renâclent même pour des matières que nous jugeons essentielles – la mère d’Edith ne comprend pas pourquoi sa fille unique doit étudier les mathématiques. Bref, Mrs Appleyard est davantage une bonne gestionnaire qu’une pédagogue, et n’agit qu’en fonction de ce que son cher Arthur pourrait faire. Prenez également les professeurs. Mademoiselle quitte le pensionnat pour se marier, et s’en réjouit. Le frère de Dora Lumley s’inquiète de la réputation de sa soeur. Même Minnie, la presque sympathique domestique, veut se marier et quitter le pensionnat. Les pensionnaires elles-mêmes dépendent de leur père et/ou partent à la conquête d’un mari bien respectable. Les rares jeunes hommes du récit sont très activement recherchés – en tant que futurs maris.
Mais que s’est-il donc passé le jour de ce pique-nique ? Quatre jeunes filles sont parties, une professeur s’est volatilisée, une professeur bien rationnelle puisqu’elle enseigne les mathématiques et discute mathématiques pendant le trajet. Deux seulement seront retrouvées, toutes deux si traumatisées (ou si bêtes pour l’une d’entre elles) qu’elles ne pourront rien dire. Nous sommes en 1900, il est hors de question de brutaliser, même par des questions indiscrètes, une douce jeune fille. Il est hors de questions aussi d’évoquer certains sujets devant des hommes, il est des choses qu’une femme « bien » ne dit pas – ou comment laisser s’évanouir ce qui aurait pu être un indice. Le narrateur, extérieur à l’histoire, ne se prive pas pour être sarcastique, pour indiquer aussi, aux lecteurs, que le pire est à venir. Ne pas savoir, ne rien savoir, ne rien pouvoir deviner est sans doute pire qu’une vraie et bonne enquête policière. Comme dit l’enquêteur : il « eût presque accueilli avec joie un bon assassinat bien neuf. »
Roman fantastique ? Oui, si l’on compte que l’on ne sait rien, et que si des pistes fantaisistes sont évoquées, elles ne forment vraiment qu’une trame très secondaire dans le récit. Les faits, rien que les faits, pour cette région du monde où maints promeneurs se sont perdus, où la mort peut frapper très rapidement, où les aborigènes sont là sans être là – Miranda, l’une des disparues, la plus charismatique parce que la plus généreuse, connait bien la brousse.
Pique-nique à Hanging Rock emprunte à plusieurs genres littéraires sans appartenir à aucun. Il laisse une impression forte et tragique derrière lui, comme si les sortilèges d’Hanging Rock suivaient encore le lecteur bien après qu’il eût refermé le livre.
Edition Le livre de poche. 480 pages.
Mon résumé :
Australie, 14 février 1900. L’été touche à sa fin.
Les jeunes pensionnaires de Mrs Appleyard attendent depuis des mois ce pique-nique annuel, non loin du Hanging Rock, un immense massif rocheux. Revêtues de leurs mousselines légères, elles partent dans une voiture tirée par cinq superbes chevaux bais. Après le déjeuner, les demoiselles s’assoupissent à l’ombre des arbres. Mais quatre d’entre elles, plus âgées, obtiennent la permission de faire une promenade. Enivrées par cet avant-goût de liberté, elles franchissent un premier ruisseau… puis disparaissent dans les hauteurs. Quand, tard dans la nuit, la voiture regagne le pensionnat, trois adolescentes manquent à l’appel.
Mon avis :
J’ai vu le film de Peter Weir, il y a quelques années, et j’étais très curieuse de lire le roman.
Ce roman est strictement féminin, et la gente féminine en prend pour son grade. Y a-t-il une personne à sauver, dans cette intrigue, mis à part les disparues et Sara, petite orpheline dont le tuteur s’occupe quand il en a le temps, c’est à dire pas souvent ? Curieux personnage que ce tuteur, qui n’a pas de lien de parenté avec elle, et dont on peut se demande pour quelles raisons il l’a prise sous sa protection.
Toutes les femmes dépendent d’un homme dans ce récit, toutes agissent, ou presque, en fonction d’un homme. Prenez Mrs Appleyard, la directrice de cette pension pour jeunes filles de très bonnes familles, familles qui sont le plus souvent extrêmement loin et ne s’intéressent que de loin en loin à leurs progénitures. Les cours prodigués sont « à la carte », et si certaines familles paient des suppléments, permettant ainsi à la directrice de faire de confortables bénéfices, d’autres renâclent même pour des matières que nous jugeons essentielles – la mère d’Edith ne comprend pas pourquoi sa fille unique doit étudier les mathématiques. Bref, Mrs Appleyard est davantage une bonne gestionnaire qu’une pédagogue, et n’agit qu’en fonction de ce que son cher Arthur pourrait faire. Prenez également les professeurs. Mademoiselle quitte le pensionnat pour se marier, et s’en réjouit. Le frère de Dora Lumley s’inquiète de la réputation de sa soeur. Même Minnie, la presque sympathique domestique, veut se marier et quitter le pensionnat. Les pensionnaires elles-mêmes dépendent de leur père et/ou partent à la conquête d’un mari bien respectable. Les rares jeunes hommes du récit sont très activement recherchés – en tant que futurs maris.
Mais que s’est-il donc passé le jour de ce pique-nique ? Quatre jeunes filles sont parties, une professeur s’est volatilisée, une professeur bien rationnelle puisqu’elle enseigne les mathématiques et discute mathématiques pendant le trajet. Deux seulement seront retrouvées, toutes deux si traumatisées (ou si bêtes pour l’une d’entre elles) qu’elles ne pourront rien dire. Nous sommes en 1900, il est hors de question de brutaliser, même par des questions indiscrètes, une douce jeune fille. Il est hors de questions aussi d’évoquer certains sujets devant des hommes, il est des choses qu’une femme « bien » ne dit pas – ou comment laisser s’évanouir ce qui aurait pu être un indice. Le narrateur, extérieur à l’histoire, ne se prive pas pour être sarcastique, pour indiquer aussi, aux lecteurs, que le pire est à venir. Ne pas savoir, ne rien savoir, ne rien pouvoir deviner est sans doute pire qu’une vraie et bonne enquête policière. Comme dit l’enquêteur : il « eût presque accueilli avec joie un bon assassinat bien neuf. »
Roman fantastique ? Oui, si l’on compte que l’on ne sait rien, et que si des pistes fantaisistes sont évoquées, elles ne forment vraiment qu’une trame très secondaire dans le récit. Les faits, rien que les faits, pour cette région du monde où maints promeneurs se sont perdus, où la mort peut frapper très rapidement, où les aborigènes sont là sans être là – Miranda, l’une des disparues, la plus charismatique parce que la plus généreuse, connait bien la brousse.
Pique-nique à Hanging Rock emprunte à plusieurs genres littéraires sans appartenir à aucun. Il laisse une impression forte et tragique derrière lui, comme si les sortilèges d’Hanging Rock suivaient encore le lecteur bien après qu’il eût refermé le livre.