Vie de ma voisine
Edition Grasset - 180 pages.
Présentation de l’éditeur :
Ça commence comme une nouvelle d’Alice Munro : lors de son déménagement, une romancière est abordée par sa voisine du dessus qui l’a reconnue, et l’invite chez elle pour parler de Charlotte Delbo.
Ça continue comme un récit d’Isaac Babel. Car les parents de Jenny, la voisine née en 1925, étaient des Juifs polonais membres du Bund, immigrés en France un an avant sa naissance.
Mais c’est un livre de Geneviève Brisac, un « roman vrai » en forme de traversée du siècle : la vie à Paris dans les années 1930, la Révolution trahie à Moscou, l’Occupation – Jenny et son frère livrés à eux-mêmes après la rafle du Vel’ d’Hiv, la déportation des parents, la peur, la faim, les humiliations, et l’histoire d’une merveilleuse amitié. Le roman d’apprentissage d’une jeune institutrice douée d’une indomptable vitalité, que ni les deuils ni les tragédies ne parviendront à affaiblir.
Mon avis :
L’an dernier, à peu près à la même période, je découvrais à la bibliothèque Vivre d’Anise Postel-Vinay, témoignage dans l’urgence d’une femme qui avait survécu à la déportation et qui ressentait le besoin de parler, maintenant, non parce que sa fin était proche, mais parce que les événements qui avaient eu lieu en France l’avaient poussé à le faire.
Vie de ma voisine pourrait sembler tout autre, au départ, et être un échange autour de cette figure de la résistance qu’est Charlotte Delbo. Cela aurait pu, cela n’est pas. Vie de ma voisine est le récit d’une survivante, aussi, une survivante particulière puisque les parents de Jenny ont réussi à leur faire quitter le Vel d’hiv, à elle et à son frère. Ils ont dû survivre, seuls, et faire face ensuite à un autre genre de survivants – tous ceux qui ont collaboré n’ont pas été inquiétés, je ne pense pas vous apprendre une immense nouvelle.
Vie de ma voisine nous apprend aussi ce que c’était qu’être juif, en France, dans les années 30, pendant la guerre, quand il semblait encore impossible que… et puis, finalement, c’est arrivé.
Etre juif en France, c’est aussi être vu comme tel alors que les parents de Jenny étaient bien loin de croire, encore moins de se conformer aux traditions – lire à ce sujet les pages consacrées au voyage puis aux vacances chez les grands-parents.
Ne rien oublier, non plus, ni les mains tendues (la boulangère du quartier) ni les mesquineries et autres bassesses. Comme souvent, ce qui fait la force de ces récits est l’absence de pathos : ni Jenny ni Geneviève Brisac ne se livre à l’exercice de l’auto-apitoiement. Cela n’empêche pas certaines pages d’être particulièrement poignantes, comme celles dans lesquelles la mère de Jenny, au Vel d’hiv, donne à sa fille, dans l’urgence, ce qu’elle sait être les ultimes conseils qu’elle pourra donner à sa fille.
Vie de ma voisine, un livre que je conseillerai à tout ceux qui me demanderont : « que pourrai-je lire, en plus du journal d’Anne Franck, pour connaître la vie d’une adolescente pendant la seconde guerre mondiale ? »