Deux cigarettes dans le noir.
Edition Belfond - 304 pages.
Présentation de l’éditeur :
Clémentine travaille dans une usine de parfum. Elle attend un enfant.
Au volant de sa voiture en direction de la maternité, elle percute quelqu’un sans pouvoir s’arrêter.
De retour à la maison seule avec son bébé, elle apprend la mort à Paris, deux jours plus tôt, de la chorégraphe Pina Bausch. Clémentine se souvient : une silhouette maigre, de longs cheveux gris – c’est Pina qu’elle a fauchée.
Elle a tué un génie en mettant au monde son enfant.
La maternité, la danse, la vie, la mort se côtoient dans le nouveau roman de Julien Dufresne-Lamy, qui trouble et bouscule par son intelligence et son originalité.
Mon avis :
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, et je sens que vous qui me lisez n’êtes pas plus avancé. J’ai aimé le lire parce qu’il parle de danse, de Pina Bausch – c’est pour cette raison que j’ai sollicité ce partenariat – et qu’il en parle de manière non pas accessible (il ne s’agit pas de vulgarisation artistique) mais passionnée, fascinée, et cette passion, le choc artistique ressenti par Clémentine en découvrant les oeuvres de Pina Bausch sont parfaitement transcrits dans le récit.
Transmettre son art, créer et/ou avoir un enfant : Clémentine, elle, est mère, presque par hasard. Elle est fille aussi, adoptée, et se pose alors la question de la fameuse création du lien avec son enfant, tout sauf évident quand l’enfant a déjà vécu une autre relation avec des parents d’accueil. Les enfants ont une grande faculté d’adaptation. Reste à savoir pourquoi la mère de Clémentine a voulu l’adopter, ce que nous en saurons pas réellement puisque le récit se focalise sur la jeune ouvrière qui travaille, certes, mais très loin de chez elle.
Rien n’est rose dans le monde ouvrier, et tant pis si cela déplait à ceux qui imagineraient un monde du travail idyllique. La solidarité ? On oublie. Plutôt la mesquinerie, la jalousie, l’envie, pour un poste ou pour un homme – médisance à tous les étages. Faire valoir ses droits ? Pas toujours facile. Et, bien sur, la condescendance des dirigeants envers les ouvriers – parce que, mis à part Clémentine, il ne traverse l’esprit à personne que les choses pourraient être autrement. Rien n’a changé depuis les descriptions faites dans des romans datant des années 70 (Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli) ou plus récent (La grande bleue de Nathalie Demoulin).
Je n’ai pas oublié le thème de la maternité, je m’en suis détournée, sans doute parce qu’il n’est pas mon thème de prédilection, et parce qu’il est très souvent développé dans la littérature contemporaine. Qui dit maternité, dit aussi paternité, et le père de Barnabé est absent, si ce n’est dans les souvenirs de Clémentine. Il faut dire qu’elle l’a longuement écouté parler de ses projets, de son travail, et de Néron, le chien qu’il fit tout pour sauver. Une absence étrange, encore plus étrange que l’enfermement de Clémentine, seule ou presque avec son enfant. Elle affirme que la maternité l’a transformé, surprotégeant son enfant à sa manière, étant, pour lui, quasiment la seule personne au monde. Ce n’est ni un amour maternel surdéveloppé, ni de l’égoïsme forcené, mais les tentatives d’une femme qui n’a pas reçu d’amour maternel, d’une femme peu adaptée à la vie pour s’adapter à cette nouvelle vie. Et qui choisit d’être mère autrement, ce qui est tout à fait possible, mais pas toujours acceptable aux yeux de la société – ni sans risque non plus, en un mélange de névrose et d’amour.