Au soleil couchant -
Edition Philippe Picquier - 168 pages.
Présentation de l’éditeur :
Park Minwoo, directeur d’une grande agence d’architecture, a la satisfaction d’avoir réussi sa vie. Né dans une famille pauvre d’un quartier misérable de Séoul, il s’est arraché à son milieu par ses études, son mariage et sa carrière. Cet homme désormais célèbre et sûr de lui reçoit un jour un message d’une amie d’enfance qui l’a aimé. Les souvenirs du passé ressurgissent, l’invitant à replonger dans un monde qu’il avait oublié, peut-être renié, et à redécouvrir ce que la vie des gens avait de dur mais aussi de chaleureux. C’est l’occasion pour lui de s’interroger sur la corruption qui règne dans le milieu de la construction immobilière, sur sa responsabilité dans l’enlaidissement du paysage urbain, sur la violence faite aux expropriés.
Mon avis :
Livre à lire quand on a le moral, et pas qu’un peu. Oui, le jugement est rapide, la lecture aussi, d’une oeuvre emplie de désespérance. L’on peut se demander ce qui se porte bien en Corée du Sud, mis à part la corruption. La réponse est simple : rien. Oh, bien sûr, Park Minwoo est le symbole de la réussite, lui, le fils d’un petit fonctionnaire renvoyé, devenu directeur d’une grande agence, marié, père d’une fille qui vit désormais aux Etats-Unis – sa mère aussi, ce qui montre à quel point son couple n’en est plus vraiment un. Au cours d’une de ses conférences, une jeune femme lui donne un mot qui provient d’une amie d’enfance, de la seule amie d’enfance qu’il avait en fait – tous les autres étaient des garçons.
Bien sûr, « ami » est à prendre au sens lointain.Park Minwoo a rompu tout lien avec son quartier d’origine, lui qui a tout mis en oeuvre pour s’élever, ignorant littéralement ceux avec qui il avait grandi, parce qu’ils n’ont pas voulu, et surtout pas pu faire des études, tant le dénuement était grand, et inimaginable de France, sauf à avoir déjà lu des livres, vus des films parlant ou se déroulant en Corée. Minwoo a peu à peu distendu les liens qui l’unissaient à son quartier, ne refusant pas, cependant, de rendre un ultime service quand on le lui demande. Il a toujours su tirer partie des opportunités qui s’offraient à lui, avec persévérance et en s’interdisant tout état d’âme.
Une seconde voix s’élève, celle de Jeong Uhee. Elle a fait des études, qui ne lui permettent pas de vivre. Aussi, le jour elle écrit, met en scène, éventuellement joue,et la nuit, elle travaille dans une épicerie, ce qui lui permet à peine de vivre puisqu’elle se nourrit des invendus. Elle a un ami, cependant, qui lui présentera sa mère mais elle est tellement débordée par ses travaux qu’elle peine à garder le contact dès lors qu’ils ne travailleront plus ensemble.
Ce qui me frappe est l’incapacité, l’impossibilité qu’ont les personnages à se révolter contre les injustices, nombreuses, tant ces révoltes ne recueillent que peu de résultats. Etre plus méfiant est la seule chose qui change. Quant aux expropriations, elles sont, de notre point de vue occidental, rares et policées. L’unique scène à laquelle nous assistons est marquante, profondément. Elle n’est pas racontée du point de vue de Park Minwoo, lui se questionne peu, finalement, sur le devenir de tous ces gens qui ont été expulsés, parfois pour rien, ou plutôt pour enrichir les promoteurs/spéculateurs.
Ce qui le frappe aussi est la solitude. Elle est fréquente, surtout,elle donne l’impression d’être voulue, choisie, comme une survivance d’un code de l’honneur ou le désarroi face aux difficultés d’une société trop moderne. Même le mariage n’est pas (plus ?) envisageable puisque les jeunes, à moins d’avoir fait de brillantes études, n’ont plus les moyens de vivre ensemble. Je passe également sur la médecine, ou plutôt sur l’absence de médecine : l’on meurt encore de maladies dont on se croit à l’abri en Corée.
La fin du livre me laisse un peu amère. Fin ouverte, oui, mais vers quels horizons ?