Blanc autour
éditions Dargaud – 144 pages
Présentation de l’éditeur :
1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall s’occupe d’une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah. La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. Même si l’esclavage n’est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l’Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d’une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection.
Mon avis :
A moins d’avoir vécu totalement coupé de la littérature et de la culture, nous avons tous entendu parler de la guerre de Sécession, opposant les confédérés et les unionistes, ou, pour faire encore plus court, les esclavagistes et les anti-esclavagistes. Mais connaissons-nous seulement les actions qui se sont passées avant cette guerre ? Pas vraiment, ce qui est pour moi une version optimiste de « non ». J’ajoute que, si quelqu’un vient sur mon blog pour m’expliquer que « tout le monde était esclavagiste au XIXe siècle et que c’était normal, je ne vois pas ce qui te choque » (spoiler, c’est déjà arrivé qu’on me le dise), je ne perds pas mon temps à expliquer que non, tout le monde ne l’était pas, non, tout le monde ne l’admettait pas.
Parmi ces pionniers, se trouve Prudence Crandall. Elle est institutrice, elle dirige une école pour jeunes filles de bonne famille dans le Connecticut, dans les années 1830. Est-il besoin de préciser que ce sont des jeunes filles blanches ? Non, pas vraiment. Un jour, elle accueille une jeune fille noire : elle aussi veut apprendre, surtout qu’elle a des questions bien précises sur certains phénomènes physiques, et qu’elle possède donc une vraie curiosité intellectuelle. Hors de question pour les habitants de Canterbury que leurs filles aillent à l’école avec elle. Prudence Crandall ouvre donc son école exclusivement aux jeunes filles de couleur, peu importe de quel État elles viennent. Ce n’est pas les ennuis qui commencent, ce sont les ennuis qui continuent, qui s’amplifient, au point de ne plus être des ennuis, mais des actes de malveillance, de violence, de brutalité inouïe. Faut-il que l’instruction des femmes de couleur fassent peur aux Blancs bien pensant pour en arriver à de telles actions ? Oui. Les bons notables croyaient fermement que Nat Turner, dont la légende sous-tend le récit, était devenu un révolté parce qu’il était un esclave qui savait lire. Cela prouve simplement que leur instruction ne leur permet pas vraiment de réfléchir.
Ce n’est pas que le récit soit difficile à lire, c’est qu’il montre à quel point l’homme est capable du pire. Le meilleur est plus difficile à trouver. Laisser libre cours à ses pulsions, à sa bassesse, blesser, tuer, ne semble pas si compliqué. Et à ceux qui diraient que c’est le passé, c’est loin… Non. Je crains qu’il ne faille d’un rien pour que les pires pulsions ne s’expriment à nouveau. Si tant est qu’elles ne s’expriment pas déjà.
Comme souvent dans la bande dessinée, j’ai été sensible aux jeux des couleurs qui montrent la magnificence de la nature, le passage des jours, le déferlement de la violence aussi, et la douleur, le deuil qui s’ensuit. Je l’ai un peu moins été au graphisme proprement dit. Cela ne m’a pas empêché d’être sensible aux nombreux messages transmis par ce livre, par ces interrogations, notamment sur ce que l’on enseigne et comment on l’enseigne : « Je veux bien apprendre Alexandre le Grand, « L’Iliade », Christophe Colomb, le Mayflower… Mais j’ai besoin de comprendre la différence entre un ignoble massacre et une conquête héroïque. Parce que je ne la vois pas, mademoiselle. Je ne la vois pas. »
Ou encore : « Apprenez docilement la culture des blancs ! Vénérez les écrivains des blancs, l’histoire écrite par les blancs ! Les noms des hommes célèbres blancs ! La philosophie des blancs ! Gavez-vous du monde des blancs ! A la fin vous serez toujours aussi noires. »
Ne ratez surtout pas, à la fin du volume, le dossier sur la Canterbury Female School, et sur ce que l’on sait du devenir de Prudence Candrall et de ses élèves : son engagement pour l’éducation, la justice sociale et l’égalité pour les Afro-Américains ne s’est pas arrêté à la fermeture de son école.
éditions Dargaud – 144 pages
Présentation de l’éditeur :
1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall s’occupe d’une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah. La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. Même si l’esclavage n’est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l’Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d’une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection.
Mon avis :
A moins d’avoir vécu totalement coupé de la littérature et de la culture, nous avons tous entendu parler de la guerre de Sécession, opposant les confédérés et les unionistes, ou, pour faire encore plus court, les esclavagistes et les anti-esclavagistes. Mais connaissons-nous seulement les actions qui se sont passées avant cette guerre ? Pas vraiment, ce qui est pour moi une version optimiste de « non ». J’ajoute que, si quelqu’un vient sur mon blog pour m’expliquer que « tout le monde était esclavagiste au XIXe siècle et que c’était normal, je ne vois pas ce qui te choque » (spoiler, c’est déjà arrivé qu’on me le dise), je ne perds pas mon temps à expliquer que non, tout le monde ne l’était pas, non, tout le monde ne l’admettait pas.
Parmi ces pionniers, se trouve Prudence Crandall. Elle est institutrice, elle dirige une école pour jeunes filles de bonne famille dans le Connecticut, dans les années 1830. Est-il besoin de préciser que ce sont des jeunes filles blanches ? Non, pas vraiment. Un jour, elle accueille une jeune fille noire : elle aussi veut apprendre, surtout qu’elle a des questions bien précises sur certains phénomènes physiques, et qu’elle possède donc une vraie curiosité intellectuelle. Hors de question pour les habitants de Canterbury que leurs filles aillent à l’école avec elle. Prudence Crandall ouvre donc son école exclusivement aux jeunes filles de couleur, peu importe de quel État elles viennent. Ce n’est pas les ennuis qui commencent, ce sont les ennuis qui continuent, qui s’amplifient, au point de ne plus être des ennuis, mais des actes de malveillance, de violence, de brutalité inouïe. Faut-il que l’instruction des femmes de couleur fassent peur aux Blancs bien pensant pour en arriver à de telles actions ? Oui. Les bons notables croyaient fermement que Nat Turner, dont la légende sous-tend le récit, était devenu un révolté parce qu’il était un esclave qui savait lire. Cela prouve simplement que leur instruction ne leur permet pas vraiment de réfléchir.
Ce n’est pas que le récit soit difficile à lire, c’est qu’il montre à quel point l’homme est capable du pire. Le meilleur est plus difficile à trouver. Laisser libre cours à ses pulsions, à sa bassesse, blesser, tuer, ne semble pas si compliqué. Et à ceux qui diraient que c’est le passé, c’est loin… Non. Je crains qu’il ne faille d’un rien pour que les pires pulsions ne s’expriment à nouveau. Si tant est qu’elles ne s’expriment pas déjà.
Comme souvent dans la bande dessinée, j’ai été sensible aux jeux des couleurs qui montrent la magnificence de la nature, le passage des jours, le déferlement de la violence aussi, et la douleur, le deuil qui s’ensuit. Je l’ai un peu moins été au graphisme proprement dit. Cela ne m’a pas empêché d’être sensible aux nombreux messages transmis par ce livre, par ces interrogations, notamment sur ce que l’on enseigne et comment on l’enseigne : « Je veux bien apprendre Alexandre le Grand, « L’Iliade », Christophe Colomb, le Mayflower… Mais j’ai besoin de comprendre la différence entre un ignoble massacre et une conquête héroïque. Parce que je ne la vois pas, mademoiselle. Je ne la vois pas. »
Ou encore : « Apprenez docilement la culture des blancs ! Vénérez les écrivains des blancs, l’histoire écrite par les blancs ! Les noms des hommes célèbres blancs ! La philosophie des blancs ! Gavez-vous du monde des blancs ! A la fin vous serez toujours aussi noires. »
Ne ratez surtout pas, à la fin du volume, le dossier sur la Canterbury Female School, et sur ce que l’on sait du devenir de Prudence Candrall et de ses élèves : son engagement pour l’éducation, la justice sociale et l’égalité pour les Afro-Américains ne s’est pas arrêté à la fermeture de son école.