Edition Jean-Claude Lattès - 286 pages.
Quatrième de couverture :
En septembre 1985, Antonio, un photographe, retourne à Lisbonne après dix ans d'absence. Il y retrouve Vincente, le correspondant du journal, afin de suivre le procès d'un tueur en série.
Encore enfant, Antonio a rencontré en une fillette, Canard, l'amour mythique, celui qui premet de grandir sans jamais s'affadir, mais ce rêve de bonheur s'est déchiré. Vincent a ses raisons pour vouloir guérir cette blessure. Lui qui est si peu doué pour la vie, lui qui n'achève jamais rien de ce qu'il entreprend, va tenter de retrouver Canard et de réparer le passé. En virtuose des jeux de l'amour et du hasard, Hervé Le Tellier veut croire qu'il n'est de destin qui ne se laisse dompter.
Mon avis :
J'ai eu du mal à rédiger cet avis parce que j'ai eu peur d'être passée à côté de ce livre et de ses enjeux.
Vincent, plus que le narrateur de ce roman, en est le grand ordonnateur. Tel un écrivain reconnu, il dote ce livre d'un prologue, justifiant l'écriture de ce texte, et d'un épilogue qui vient boucler la boucle du récit. En effet, comme beaucoup de journaliste, Vincent se veut écrivain. Il n'y parvient pas mais, tels ces novellistes du XVIe siècle, traduit les Contos aquosos d'un auteur portugais méconnu. Surtout, il veut récrire la vie de son camarade, qui vécut une histoire d'amour aussi pure que tragique avec une amie d'enfance.
Vincent n'agit pas par altruisme : mettre Antonio face à son passé est une manière de bouleverser son présent et ses amours (le pluriel est de mise pour lui) épanouies. Le reportage sur le tueur en série n'est qu'un prétexte et il n'occupera que peu de places dans le récit : Vincent est bien trop lyrique, presque trop littéraire pour ce genre d'écrit.
Vincent ne comprend pas les femmes : postulat simple, dont le lecteur verra l'application tout au long de ces neufs chapitres, centrés chacun sur un personnage différent. Je le qualifierai presque de masochiste, tant il désire des femmes qui n'ont d'autres buts que de le faire souffrir. Même quand l'ébauche d'un sentiment semblerait possible, sa maladresse met tout en cause. Cette maladresse ressort également dans son enquête, qu'il croit discrète et judicieuse, pour retrouver Canard. Elle met surtout en avant son extraordinaire manque de confiance en lui.
Electrico Wnous permet de nous replonger dans le passé pas si lointain du Portugal, mais un passé déjà oublié, dans un état d'esprit proche de celui de l'Espagne sous Franco - je me demande aussi qui se souvient de la guerre en Angola.
Si je n'ai guère apprécié Irène, la séductrice garce, j'ai beaucoup aimé Aurora, artiste libre aux multiples facettes, et Manuela, dont l'histoire est le pendant féminin d'Antonio, jusque dans la ligne de tramway qu'elle utilisait - si ce n'est que son histoire a la brutalité de la franchise. Aurora, Manuela, Canard et même Agnès, ces quatre personnages féminins ont en commun une intégrité, un courage même qui donne bien pâle figure à Antonio et aux autres personnages masculins du récit.
Electrico W est un roman à part dans cette rentrée littéraire, j'espère qu'il trouvera sa place au milieu des livres très attendus.