Quatrième de couverture :
Deux hommes s'aiment. Délaissant leurs épouses, ils sont dès lors confrontés aux quolibets de leur milieu conformiste et terrien : le viticulture. Loin des villes, ce microcosme étriqué et peu parlant s'évertue à leur faire payer cet écart de la norme.
Dans l'un des plus beaux décors du monde, la quête d'identité et le souffle de la mort traversent ce roman entre cie, terre et eau. La rudesse des caractères, de la pente et du travail infiniment recommancé sous l'assaut des saisons s'oppose au désir de tendresse.
Un roman qui convoque C.F.Ramuz en ses terres, mais au XXIème siècle. Avec pertinence. -
Editeur : Oliver Morattel - Isbn : 978 2 9700701 8 4 - Broché 149 pages - Prix : 17 euros
Mon avis : Volodia
J’ai aimé ce livre pour diverses raison, mais en particulier par l’originalité de l’endroit ou se situe l’histoire : le milieu des viticulteurs-vignerons. Ensuite par la façon dont nous en prenons connaissance. Nous sommes dans un monde exclusivement masculin.
Tout d’abord, il y a Paul, «garçon au cœur de fille», Roberte, sa femme aigrie après des années de vie commune et qui ne lui inspire plus qu’indifférence sinon haine : "matrone aigre qui sabote mes jours". Sa rencontre avec Roger, son "amoureux", vigneron également, qui vit dans un autre village plus haut..
De par son hérédité et l’exercice de son métier, Paul est devenu alcoolique. Pour tenter d’y remédier et sur les conseils de Roger sur qui le sevrage a bien fonctionné, il entreprend de voir régulièrement une psy qu’il appelle Madame. Ce qui lui permet de lui raconter sa vie, ses manques, ses demandes névrotiques et dépendantes et de se remémorer ses réflexions et ses émotions.
Nous partageons, son quotidien, rythmé par les saisons et l’entretien des cépages, la récolte du raisin, la fabrication du vin et ses aller-retour réguliers à la cave pour les dégustations, les visites de touristes, clients potentiels et une vie de couple pleine de rancœurs et de non dit. Nous assistons à la rivalité des maisons voisines toutes concurrentes entre-elles.
"Sait-on quand on visite un village typique du bout du monde et sympathique et chaleureux, architecturalement irréprochable qu’il est un guépier, un dépotoir muet de rancunes ancestrales, de chapelles et de clans opposés"
Dans ce village ou il ne se passe jamais rien, sa relation avec Roger, provoque des sous-entendus, des regards en coin, des sourires narquois, harcelés par une «corneille» qui on le saura plus tard n‘est autre que l‘épouse du pasteur et subissant les tags provocateurs des ados du village. "On" s’interroge sur ce que peut penser l’épouse et son rôle dans ce ménage à trois :
"car si les regards sont indifférents, les pensées, elles, ne le sont pas".
Paul aime Roger, dont « le visage a cette noblesse terrienne des aristocrates de la terre penchée », avare de paroles, bourru physiquement et de caractère : "sa timidité subit l’érosion de ma tendresse".
dont les gestes rares font qu’ils se comprennent sans avoir besoin de parler, et avec qui il peut laisser libre court à ce qui fait sa féminité : douceur, sensibilité et sensualité.
Pendant que Roberte l’épouse de Paul s’est absentée pour rendre visite à sa fille installée en Afrique, Paul et Roger surnommés les deux cousines par un voisinage puritain et malveillant essaient de vivre, discrètement mais plus ou moins au grand jour, leur relation.
"Quel est l’avenir de deux vignerons gays, dans la sclérose d’un pays de traditions, d’esprits le plus souvent moralistes. Combien de décennies pour rattraper ce que nous avons vu dans la capitale proche ? Dépravation qui sans nous choquer ne nous plait pas. Débauches vues ou racontées, vulgarité ordinaire et guidée seulement par les sens les plus primaires".
Nous n’en demandons pas temps. Qu’on ne nous fuie pas, qu’on évite de nous ignorer en face tout en se retournant après s’être croisés près de la fontaine. Voir des amoureux comme des assassins me paraît gougnafier".
Ils profitent de l'absence de Roberte et d’un mois calme en vigne pour se faire plaisir et se rendre à la Scala, à bord d’un car plein de gays, puisque l’agence organisatrice ne fait que des gaystours. (Petit étonnement de ma part quand même, car pour des personnes découvrant leur homosexualité réciproque au fin fond de la Suisse Romande… mais bon on va pas chipoter)
Roberte revient après quelques mois passés en Afrique ou elle était allée visiter sa fille, et ou subir quelques transformations esthétiques. A partir de là, fini la tranquillité :
"Roberte n’a plus qu’une mission, vitale pour elle : me faire payer la note de la honte, son ulcération morale".
l’enfer quotidien reprend ses droits et pour le fuir, Paul part vivre chez Roger. La mort accidentelle de Roberte le lendemain de son retour d‘Afrique, laisse la place libre à Roger. Aucun regret ne viendra attrister Paul qui feindra la tristesse non par conviction mais par convenances.
Ce livre est bon et beau. D’une lecture agréable. On sent que l‘auteur connaît parfaitement son sujet. les termes, les expressions sont choisies avec soin. Contrairement à beaucoup de livres traitant d’homosexualité, nul besoin d’écrits imagés. La vulgarité n’a pas sa place