Journal du colonel Brandon
Edition Milady.
Présentation de l'éditeur :
James Brandon nous livre son désespoir : la femme qu’il aime, Eliza, est contrainte d’épouser son frère. Il s’engage alors dans l’armée et s’exile aux Indes pendant de longues années. De retour en Angleterre, il recueille la fille d’Eliza, devenue orpheline, et tombe sous le charme de l’impétueuse Miss Marianne Dashwood. Mais cette dernière lui préfère le beau Willoughby qui a déjà, par le passé, causé du tort au colonel Brandon…
Mon avis :
J'ai lu Raisons et sentiments il y a une quinzaine d'années. Quant au film qui en a été tiré, je ne l'ai pas vu du tout. Je me souviens surtout de Marianne, et de son brusque revirement envers le colonel Brandon, personnage discret et mystérieux - bref, pas le genre, à mon sens à s’appesantir sur son sort ou à se confier. Pourquoi ne pas lui donner la parole à travers un journal, même si ce n'est pas forcément très crédible ?
Ce qui l'est, en revanche, est le sort des femmes en ce XVIIIe siècle finissant, et ce début de XIXe siècle. Eliza n'a pas le courage de s'opposer à un mariage forcé, elle subit sa vie de couple, avant de suivre un chemin qui, pense-t-elle, peut lui apporter le bonheur, mais la conduit à la déchéance sociale.
J'ai l'impression que ce schéma se reproduit incessamment. Les jeunes filles, les jeunes femmes, ne sont pas à l'abri d'un séducteur. Si elle succombe, tant pis (pour elle), c'est la preuve qu'elle n'était pas respectable, et que le séducteur a eu raison de ne pas la respecter. Quant à assumer ses responsabilités, n'y pensons même pas ! La question de l'éducation des filles ne se pose même pas, tant il est davantage question de les "protéger" et de leur trouver un bon parti (certaines y parviennent très bien toutes seules, d'ailleurs) que de former leur jugement.
Revenons maintenant au colonel Brandon, qui est le héros de ce livre. Ce n'est qu'au dernier tiers du journal qu'il rencontre les Dashwood, les deux premiers tiers nous font découvrir l'homme qu'il est devenu, à cause des épreuves qu'il a traversées. Les premiers émois, charmants, cèdent vite la place à la réalité. Beaucoup de romans mettent en scène des officiers revenant des Indes, peu montrent la vie quotidienne là-bas, les rigueurs du climat, les tensions : on ne devient pas colonel par hasard. L'Angleterre n'est pas présentée non plus sous un visage rieur - les prisons pour dettes, les petites maisons sordides m'ont rappelé les romans de Charles Dickens et Elisabeth Gaskell. Le colonel Brandon est toujours présenté comme un homme à la droiture irréprochable, un "chevalier blanc", même s'il n'en a pas l'allure. Il faut toujours se méfier des apparences, même au XIXe siècle.
Journal du colonel Brandon est un roman agréable à lire, mais qui ne doit pas dispenser de la lecture de Raisons et sentiments.