Motel Lorraine
Edition Michel Lafon - 240 pages.
Présentation de l’éditeur :
Nous sommes en 1977. Sonia, diseuse de bonne aventure, fuit Montréal avec ses deux filles, Lou et Georgia, pour trouver refuge à Memphis, dans la chambre 306 du motel Lorraine, inoccupée depuis ce fameux 4 avril 1968 où Martin Luther King y a été assassiné. Elles partageront leur destin avec la sublime Alabama, Jacqueline Smith, femme de chambre au Lorraine, Grace DePriest, directrice de la chorale d’une petite église baptiste, ou encore Lonzie, le repris de justice devenu photographe pour son ami Aaron. Chacun à sa manière, ces personnages aux destins croisés incarnent le rêve d’égalité pour lequel le révérend King a donné sa vie.
Mais quel poids auront leurs ambitions et leurs gestes dans cette Memphis encore marquée par les divisions raciales ? Les secrets de chacun resteront-ils bien gardés ? Et enfin, pourquoi Sonia s’est-elle enfuie avec ses enfants ?
Mon avis :
Motel Lorraine n’est pas un roman facile à aborder. Ce « motel », d’abord, qui donne son nom au roman est un endroit connu, mais maudit, où échoue une mère atteinte du diabète avec complication et ses deux filles Lou et Georgia.
Nous sommes dans les années 70, pourtant le temps semble figé, avec ce Carnaval du coton, les riches d’un côté, les domestiques, les pauvres, les quasi-invisibles de l’autre. Maintenir les traditions, quoi qu’il en coûte. Ainsi, la riche Grace DePriest agit toujours comme une DePriest le ferait, et ne se révolte pas contre des décisions arbitraires, alors qu’enfant, elle savait très bien imposer ses choix, les autres dussent-ils en souffrir. Les bienfaits de l’éducation traditionnelle, qui corsète plutôt qu’elle ouvre au monde.
Roman polyphonique, Motel Lorraine donne la parole à tous, mais donne parfois l’impression que le récit n’avance pas, même que l’on retourne en arrière, puisque les mêmes événements sont vus selon plusieurs points de vue.
Et si l’important, finalement, était dans les non-dits ? Les ellipses sont plus importantes que le récit lui-même puisque nous découvrons les conséquences de ces actes passés. Il suffit de peu pour que le rêve se réalise – que l’on pense ou pas que Dieu y est pour quelque chose. Oui, la religion est très importante dans ce roman, la religion et la musique puisqu’elle n’a d’autres rôles que de célébrer Dieu. Le disco n’a pas vraiment droit de cité dans cette ville, pas si grande que cela, mais étonnante. De nos jours, l’on oublie trop facilement à quel point il est possible de se perdre et de n’être pas retrouver, même si l’on est proche, géographiquement, les uns des autres. Les liens peuvent être distendus entre les membres d’une même famille qui ont choisi des voies différentes. Il y a la famille que l’on a, celle que l’on a crée, et celles que l’on n’arrive pas à avoir. Et pourtant, l’on revient toujours à celle-ci. Reste à savoir ce que l’on est prêt à donner à ses enfants – lui donner un toit et une nourriture abondante n’est pas suffisant, même si on peut être amené à le croire si l’on a connu pire dans son enfance.
Les personnages sont nombreux, oui, mais ils sont surtout terriblement solitaires parce qu’ils n’ont pas envie de garder le rôle que l’on voudrait leur assigner ou parce que les règles qu’ils se fixent sont extrêmement rigides ? Motel Lorraine, ou le prix à payer pour réaliser ses rêves.