Sauveur & fils saison 5
édition L’école des loisirs – 310 pages
Présentation de l’éditeur :
Alors que deux années se sont écoulées depuis le précédent volume, le lecteur replonge dans la vie de Blandine et Margaux Carré, Samuel Cahen, Lionel et Maïlys, Ella-Elliot, Frédérique Jovanovic et la famille recomposée de Sauveur. Louane se réconforte grâce à ses animaux et Madame Tapin découvre le féminisme à 81 ans.
Mon avis :
Les gens changent, je change, ou alors la saga Sauveur et fils change. Cela fait beaucoup de changements dès les premières phrases de cet avis. Aurai-je développé une hypersensibilité qui n’est pourtant pas mon genre, du moins quand je lis un livre de littérature jeunesse ? En tout cas, si j’avais conseillé chaleureusement les quatre premiers tomes à mes élèves, je ne suis pas certaine que je leur mettrai dans les mains de mes élèves sans précaution. Je crois que cela fait longtemps que les parents ne lisent plus les livres avant de les donner à leurs enfants – surtout que le public cible, à mon avis, est tout de même les plus de 14 ans.
Le tome 4 s’était terminé sur les attentats du 13 novembre 2015 (et il est des personnes qui souhaitent « invisibilisés » les victimes des attentats). Le tome 5, en dépit de sa couverture, n’est pas des plus lumineux. Nous retrouvons, deux ans après, certains des patients historiques de Sauveur Saint-Yves, ceux que nous suivons depuis le tome 1. Je pense notamment à Blandine et Margaux Carré, dont le demi petit frère devient lui aussi un patient de Sauveur, avec d’autres troubles que ses soeurs, que sa mère, ou que la première femme de son père – oui, monsieur Carré détruit tout le monde psychologiquement autour de lui. Ce n’est pas le cas de Camille, le père d’Ella-Elliot. Sa mort est un choc, au début de ce récit. Mais cet homme, qui a bien conscience de ne pas avoir mené la vie qu’il aurait voulu, lui qui ne s’est pas rebellé, lui qui a pris les mauvaises décisions, ne veut surtout pas que son fils (oui, il disait bien son fils) se fourvoie lui aussi. Sauveur, lui, comme beaucoup de personnes, se sent un peu dépassé, entre théorie du genre et transsexualité. Mais se sentir dépassé ne veut pas dire ne pas chercher à en savoir plus, à dépasser préjugés et idées reçues – ce que tout le monde n’est pas capable de faire.
Ce tome cinq colle aussi à l’actualité, une actualité que l’on ne voit pas, voit plus, que l’on a oublié parfois. Qui se soucie que des vaches meurent parce que des gens paresseux, peu soucieux de l’environnement et des autres, jettent leurs canettes dans la nature ? En revanche, il est des personnes pour faire des pétitions contre des livres qu’ils n’ont pas lus, parce qu’ils estiment qu’il véhicule des clichés sexistes. Si vous ne vous en souvenez pas, je vous invite à taper « livre jeunesse pétition 2018 » dans un moteur de recherches, à constater à quels points les commentaires de personnes qui n’ont (je le souligne) pas lu le livre, ou en ont vu un extrait de ci, de là, sont virulents. A l’heure où l’on parle tant de la liberté d’expression, il est bon de rappeler qu’un tribunal populaire a stoppé la réédition d’un livre qui parlait de puberté. Il est bon aussi de rappeler qu’il est des parents qui ne parlent pas du tout de ce sujet avec leurs enfants, et qu’il faut bien que les adolescents trouvent les informations quelque part.
Un tome très sombre (oui, je me répète) qui nous emmène en 2018, et qui emmène aussi Sauveur sur les traces de son passé, lui qui était à deux doigts du burn out à force de se consacrer à ses patients, et d’avoir l’impression de ne pas assez s’occuper des siens. En avoir l’impression, c’est aussi la preuve que l’on s’occupe d’eux, de son mieux, et de rappeler que, même pour un psy, il n’est pas toujours facile de verbaliser ce que l’on ressent.