Le liseur, Paul Fournel, editions P. O. L, 224 pages
Quatrième de couverture
La stagiaire entre dans le bureau de Robert Dubois, l'éditeur, et lui tend une tablette électronique, une liseuse.
Il la regarde, il la soupèse, l'allume et sa vie bascule. Pour la première fois depuis Gutenberg, le texte et le papier se séparent et c'est comme si son coeur se fendait en deux.
Présentation de l'éditeur (P.O.L.):
Depuis 1452 et la parution de la Bible à 32 lignes de Gutenberg, le texte et le livre ont partie liée : publier un texte c'est faire un livre, lire un livre, c'est lire un texte, acheter un texte, c'est acheter un livre.
Ce récit commence le soir où la petite stagiaire discrète apporte à Robert Dubois le vieil éditeur, encore directeur de la maison qui porte son nom, sa première liseuse. Ce bel objet hightech qui le regarde de son écran noir, lui annonce que sa vie est en train de basculer. Que va devenir son métier maintenant que le texte et le papier se séparent ? Quelque chose couve qui pourrait fort bien être une révolution. Il le sait et cette perspective le fait sourire.
La vie continue pourtant à l'identique, Dubois déjeune avec ses auteurs, voyage chez les libraires, rencontre les représentants, mais il porte sa liseuse sous le bras qui lui parle déjà d'un autre monde. Celui qu'il va aider des gamins à bâtir, celui dont il sait qu'il ne participera pas.
De toute la force de son humour et de son regard désabusé et tendre il regarde changer son monde et veille à garder, intact au fond de lui, ce qui jamais ne changera : le goût de lire.
Extraits
Et qu'est-ce que c'est ça?
Ben, c'est une liseuse, un eBook, un iPad, je ne sais pas, moi. Il m'a dit qu'il avait mis tous vos manuscrits dedans pour le week-end et que ça vous ferait moins lourd. Vous voulez que je vous explique? Regarde, c'est comme un écran avec tous vos manuscrits dessus. Ils sont sur l'étagère virtuelle en faux-vrai- bois. Vous les touchez et ils s'ouvrent. Il y en a un paquet. Vous n'allez jamais lire tout ça en deux jours! Regardez, le texte s'ouvre.
Et j'avance comment?
On tourne les pages dans le coin d'en bas avec le doigt.
Comme un bouquin?
Oui, c'est le côté ringard du truc. Une concession pour les vieux. Quand on se souviendra plus des livres, on se demandera bien pourquoi on avançe comme ça. Autant défiler vertical. Scroller. Ce serait plus logique.
L'artichaut est un légume de solitude, difficile à manger en face de quelqu'un,divin lorsqu'on est seul. Un légume méditatif, réservé aux bricoleurs et aux gourmets. D'abord du dur, du charnu, puis, peu à peu, du plus mou, du plus fin, du moins vert. Un subtil dégradé jusqu'au beige du foin qu'un dernier chapeau pointu de feuilles violettes dévoile. La vinaigrette qui renouvelle son goût au changement de texture. Un parcours que l'on rythme à sa guise. Rien ne presse dans l'artichaut. On peut sucer une feuille pendant plusieurs minutes, jusqu'à l'amertume, on peut, au contraire racler des incisives la chair de plusieurs feuilles à la suite pour se donner une bouchée consistante. La seule figure interdite est celle de l'empiffrement. Un légume qui a ses règles d'élégance. Puis vient le moment distrayant de l'arrachage. Saisi entre pouce et couteau, le foin cède en petites touffes nettes, libérant le cœur de toute sa toison en une sorte de saisissant raccourci amoureux. Enfin arrive le moment de la récompense: à la fourchette et au couteau on peut entrer dans le cœur du légume, priant le jardinier de n'y avoir laissé aucun arrière-goût de farine.
À cet instant, Mme Martin a discrètement poussé sur la table un petit ramequin de sauce supplémentaire, à peine adoucie d'un trait de crème fraîche.
Y a-t-il seulement une place digne pour l'artichaut dans la littérature? Un volume, une page, un paragraphe? À vérifier ce soir.
Se recaler dans le fauteuil, avaler un cube de pain avant le brouilly qui déteste la vinaigrette et puis attendre la divine cervelle meunière que l'on découpe paresseusement à la fourchette et que l'on met à fondre entre langue et palais. Encore un plat de solitaire. Les intellectuels détestent qu'on mange de la cervelle sous leur nez et la cervelle au déjeuner est une grave faute de goût de la part d'un éditeur.
Mon avis
Une lecture très agréable.
On découvre le fonctionnement d'une maison d'édition où se côtoient best-sellers pour la sécurité et jeunes auteurs pour lesquels il est important de prendre des risques, engranger de nouveaux talents pour le futur.
On y retrouve le pouvoir de l'argent, des médias, l'art de fabriquer un auteur à succès.
La liseuse côtoie le livre papier, elle est l'instrument de travail, Gutenberg chez les geeks...
Quatrième de couverture
La stagiaire entre dans le bureau de Robert Dubois, l'éditeur, et lui tend une tablette électronique, une liseuse.
Il la regarde, il la soupèse, l'allume et sa vie bascule. Pour la première fois depuis Gutenberg, le texte et le papier se séparent et c'est comme si son coeur se fendait en deux.
Présentation de l'éditeur (P.O.L.):
Depuis 1452 et la parution de la Bible à 32 lignes de Gutenberg, le texte et le livre ont partie liée : publier un texte c'est faire un livre, lire un livre, c'est lire un texte, acheter un texte, c'est acheter un livre.
Ce récit commence le soir où la petite stagiaire discrète apporte à Robert Dubois le vieil éditeur, encore directeur de la maison qui porte son nom, sa première liseuse. Ce bel objet hightech qui le regarde de son écran noir, lui annonce que sa vie est en train de basculer. Que va devenir son métier maintenant que le texte et le papier se séparent ? Quelque chose couve qui pourrait fort bien être une révolution. Il le sait et cette perspective le fait sourire.
La vie continue pourtant à l'identique, Dubois déjeune avec ses auteurs, voyage chez les libraires, rencontre les représentants, mais il porte sa liseuse sous le bras qui lui parle déjà d'un autre monde. Celui qu'il va aider des gamins à bâtir, celui dont il sait qu'il ne participera pas.
De toute la force de son humour et de son regard désabusé et tendre il regarde changer son monde et veille à garder, intact au fond de lui, ce qui jamais ne changera : le goût de lire.
Extraits
Et qu'est-ce que c'est ça?
Ben, c'est une liseuse, un eBook, un iPad, je ne sais pas, moi. Il m'a dit qu'il avait mis tous vos manuscrits dedans pour le week-end et que ça vous ferait moins lourd. Vous voulez que je vous explique? Regarde, c'est comme un écran avec tous vos manuscrits dessus. Ils sont sur l'étagère virtuelle en faux-vrai- bois. Vous les touchez et ils s'ouvrent. Il y en a un paquet. Vous n'allez jamais lire tout ça en deux jours! Regardez, le texte s'ouvre.
Et j'avance comment?
On tourne les pages dans le coin d'en bas avec le doigt.
Comme un bouquin?
Oui, c'est le côté ringard du truc. Une concession pour les vieux. Quand on se souviendra plus des livres, on se demandera bien pourquoi on avançe comme ça. Autant défiler vertical. Scroller. Ce serait plus logique.
L'artichaut est un légume de solitude, difficile à manger en face de quelqu'un,divin lorsqu'on est seul. Un légume méditatif, réservé aux bricoleurs et aux gourmets. D'abord du dur, du charnu, puis, peu à peu, du plus mou, du plus fin, du moins vert. Un subtil dégradé jusqu'au beige du foin qu'un dernier chapeau pointu de feuilles violettes dévoile. La vinaigrette qui renouvelle son goût au changement de texture. Un parcours que l'on rythme à sa guise. Rien ne presse dans l'artichaut. On peut sucer une feuille pendant plusieurs minutes, jusqu'à l'amertume, on peut, au contraire racler des incisives la chair de plusieurs feuilles à la suite pour se donner une bouchée consistante. La seule figure interdite est celle de l'empiffrement. Un légume qui a ses règles d'élégance. Puis vient le moment distrayant de l'arrachage. Saisi entre pouce et couteau, le foin cède en petites touffes nettes, libérant le cœur de toute sa toison en une sorte de saisissant raccourci amoureux. Enfin arrive le moment de la récompense: à la fourchette et au couteau on peut entrer dans le cœur du légume, priant le jardinier de n'y avoir laissé aucun arrière-goût de farine.
À cet instant, Mme Martin a discrètement poussé sur la table un petit ramequin de sauce supplémentaire, à peine adoucie d'un trait de crème fraîche.
Y a-t-il seulement une place digne pour l'artichaut dans la littérature? Un volume, une page, un paragraphe? À vérifier ce soir.
Se recaler dans le fauteuil, avaler un cube de pain avant le brouilly qui déteste la vinaigrette et puis attendre la divine cervelle meunière que l'on découpe paresseusement à la fourchette et que l'on met à fondre entre langue et palais. Encore un plat de solitaire. Les intellectuels détestent qu'on mange de la cervelle sous leur nez et la cervelle au déjeuner est une grave faute de goût de la part d'un éditeur.
Mon avis
Une lecture très agréable.
On découvre le fonctionnement d'une maison d'édition où se côtoient best-sellers pour la sécurité et jeunes auteurs pour lesquels il est important de prendre des risques, engranger de nouveaux talents pour le futur.
On y retrouve le pouvoir de l'argent, des médias, l'art de fabriquer un auteur à succès.
La liseuse côtoie le livre papier, elle est l'instrument de travail, Gutenberg chez les geeks...