Titre : Le pacte des vierges.
Auteur :Vanessa Schneider.
Editeur : Stock
Nombre de pages : 191.
Quatrième de couverture :
« A la fin de l’année scolaire, le lycée de Gloucester (Massachussets) comptait 17 jeunes filles enceinte […] La moitié d’entre elles – toutes ont moins de seize ans - ont avoué avoir fait un pacte pour avoir leurs bébés et les élever ensemble »
Times Magazine, 18 juillet 2008.
Mon avis :
L'article de Times parle de grossesses non désirées. Pour travailler depuis onze ans avec des adolescentes, je peux vous dire que j'ai vu, effectivement, des grossesses non désirées mais aussi des grossesses désirées, des adolescentes qui ne recherchaient "qu'un mec pour leur faire un gamin" et ce, dès l'âge de 14/15 ans. Les statistiques des avortements de mineurs en France n'intéressent pas mes élèves, par contre elles sont fortement intéressées pour savoir combien de mineurs mènent leur grossesse à terme. Certaines ont déjà choisi les prénoms, d'autres reviennent au collège pour montrer le symbole de leur réussite - à savoir leur bébé.
Le livre est étiqueté "roman", pourtant tout est fait pour que nous ayons l'impression de lire un document, un témoignage. Quatre des jeunes filles prendront tour à tour la parole, interviewé par une romancière française, mère de trois enfants, dont le nom ne sera jamais révélé.
Ces quatre jeunes filles ont des caractères et une histoires personnelles très différentes, pourtant elles n'ont pas vraiment un ton ou un style très différent - faut-il y voir une uniformisation voulue par la forme témoignage ? A moins qu'il ne faille y voir une solidarisation par l'emploi d'un même discours.
Les trois filles font corps autour de leur leader, Lana. Au début, elles sont toutes décidées à ne rien révéler du tout, et surtout pas l'existence d'un pacte entre elles. Puis, petit à petit, les failles apparaissent, parce que leur situation devient difficile, parce que la grossesse, ce n'est pas du tout aussi joyeux que ce qu'elles pouvaient imaginer (les nausées, les envies pressentes, la prise de poids importante) et parce qu'elles comprennent que le bébé ne sera bientôt plus un fantasme, mais une réalité.
J'ai été frappé par l'indigence dont ces jeunes filles sont victimes. Indigences de soin, d'abord : l'une d'elles ne verra le médecin qu'une seule fois au cours de sa grossesse, parce qu'elle n'a pas d'assurance. Sa mère, qui cumule déjà trois emplois, fera des heures supplémentaires pour offrir à sa fille... une échographie. Il est aussi ahurissant de découvrir qu'elles n'ont pas accès à la contraception, et que leurs partenaires n'utilisent pas de préservatifs (trop chers ... et trop la honte d'aller en acheter). Indigence affective aussi. Même si ce n'est pas exprimé aussi crument, il est évident qu'elles ont cherché à se reconstruite une famille puisqu'elles-mêmes n'en avaient plus. Lana et Cyndie (les deux inséparables) veulent se prouver qu'elles peuvent être des bonnes mères en dépit du fait que les leurs sont absentes, réellement et virtuellement. Pour Kylie - comme Kylie Minogue, toute la famille est fan - la cause de son choix tient plutôt en la reproduction du schéma maternel (elle est très proche de sa mère) : elle n'a que dix-sept ans d'écart avec la sienne. Mis à part Cyndie, qui a la volonté de construire un avenir pour son fils, aucune d'entre elles n'a de père pour son enfant, juste un géniteur (qui risque gros, puisqu'elles sont mineures). Comment croire à l'importance du père quand le sien n'a rien trouvé de mieux que de partir le plus vite possible, ou de gâcher complètement votre vie ? Seule Sue semble faire exception, comme si cette grossesse était son ultime acte de rébellion contre une famille très catholique - pour ne pas dire extrémiste. Elle sera une des premières à rentrer dans le rang et acceptera sans doute la solution que lui proposent ses parents.
L'auteur elle-même reste dans l'ombre. A aucun moment, elle ne prend la parole dans le récit, nous pouvons juste deviner ses questions (ou ses réactions) d'après les propos des filles. Je pourrai dire qu'elle leur apporte une reconnaissance, là où d'autres ne cherchaient qu'à leur donner de la notoriété, ou à les transformer en symbole pour leur cause. Je dirai surtout qu'elle leur offre deux choses qui leur ont manqué : elle ne vient pas à elles avec un avis préconçu à leur sujet et elle les écoute, réellement.
Le pacte des vierges, plus qu'un témoignage sur l'Amérique profonde, montre le passage du statut d'enfants à celui de mère.
Auteur :Vanessa Schneider.
Editeur : Stock
Nombre de pages : 191.
Quatrième de couverture :
« A la fin de l’année scolaire, le lycée de Gloucester (Massachussets) comptait 17 jeunes filles enceinte […] La moitié d’entre elles – toutes ont moins de seize ans - ont avoué avoir fait un pacte pour avoir leurs bébés et les élever ensemble »
Times Magazine, 18 juillet 2008.
Mon avis :
L'article de Times parle de grossesses non désirées. Pour travailler depuis onze ans avec des adolescentes, je peux vous dire que j'ai vu, effectivement, des grossesses non désirées mais aussi des grossesses désirées, des adolescentes qui ne recherchaient "qu'un mec pour leur faire un gamin" et ce, dès l'âge de 14/15 ans. Les statistiques des avortements de mineurs en France n'intéressent pas mes élèves, par contre elles sont fortement intéressées pour savoir combien de mineurs mènent leur grossesse à terme. Certaines ont déjà choisi les prénoms, d'autres reviennent au collège pour montrer le symbole de leur réussite - à savoir leur bébé.
Le livre est étiqueté "roman", pourtant tout est fait pour que nous ayons l'impression de lire un document, un témoignage. Quatre des jeunes filles prendront tour à tour la parole, interviewé par une romancière française, mère de trois enfants, dont le nom ne sera jamais révélé.
Ces quatre jeunes filles ont des caractères et une histoires personnelles très différentes, pourtant elles n'ont pas vraiment un ton ou un style très différent - faut-il y voir une uniformisation voulue par la forme témoignage ? A moins qu'il ne faille y voir une solidarisation par l'emploi d'un même discours.
Les trois filles font corps autour de leur leader, Lana. Au début, elles sont toutes décidées à ne rien révéler du tout, et surtout pas l'existence d'un pacte entre elles. Puis, petit à petit, les failles apparaissent, parce que leur situation devient difficile, parce que la grossesse, ce n'est pas du tout aussi joyeux que ce qu'elles pouvaient imaginer (les nausées, les envies pressentes, la prise de poids importante) et parce qu'elles comprennent que le bébé ne sera bientôt plus un fantasme, mais une réalité.
J'ai été frappé par l'indigence dont ces jeunes filles sont victimes. Indigences de soin, d'abord : l'une d'elles ne verra le médecin qu'une seule fois au cours de sa grossesse, parce qu'elle n'a pas d'assurance. Sa mère, qui cumule déjà trois emplois, fera des heures supplémentaires pour offrir à sa fille... une échographie. Il est aussi ahurissant de découvrir qu'elles n'ont pas accès à la contraception, et que leurs partenaires n'utilisent pas de préservatifs (trop chers ... et trop la honte d'aller en acheter). Indigence affective aussi. Même si ce n'est pas exprimé aussi crument, il est évident qu'elles ont cherché à se reconstruite une famille puisqu'elles-mêmes n'en avaient plus. Lana et Cyndie (les deux inséparables) veulent se prouver qu'elles peuvent être des bonnes mères en dépit du fait que les leurs sont absentes, réellement et virtuellement. Pour Kylie - comme Kylie Minogue, toute la famille est fan - la cause de son choix tient plutôt en la reproduction du schéma maternel (elle est très proche de sa mère) : elle n'a que dix-sept ans d'écart avec la sienne. Mis à part Cyndie, qui a la volonté de construire un avenir pour son fils, aucune d'entre elles n'a de père pour son enfant, juste un géniteur (qui risque gros, puisqu'elles sont mineures). Comment croire à l'importance du père quand le sien n'a rien trouvé de mieux que de partir le plus vite possible, ou de gâcher complètement votre vie ? Seule Sue semble faire exception, comme si cette grossesse était son ultime acte de rébellion contre une famille très catholique - pour ne pas dire extrémiste. Elle sera une des premières à rentrer dans le rang et acceptera sans doute la solution que lui proposent ses parents.
L'auteur elle-même reste dans l'ombre. A aucun moment, elle ne prend la parole dans le récit, nous pouvons juste deviner ses questions (ou ses réactions) d'après les propos des filles. Je pourrai dire qu'elle leur apporte une reconnaissance, là où d'autres ne cherchaient qu'à leur donner de la notoriété, ou à les transformer en symbole pour leur cause. Je dirai surtout qu'elle leur offre deux choses qui leur ont manqué : elle ne vient pas à elles avec un avis préconçu à leur sujet et elle les écoute, réellement.
Le pacte des vierges, plus qu'un témoignage sur l'Amérique profonde, montre le passage du statut d'enfants à celui de mère.