Le consentement
Edition Grasset - 212 pages
Présentation de l’éditeur :
Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. A treize ans, dans un dîner, elle rencontre G. , un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses oeillades énamourées et l’attention qu’il lui porte.
Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin » impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables.
Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire.
Mon avis :
Le livre. L’affaire.
Ce livre est dans doute celui dont tout le monde a parlé pour cette rentrée littéraire de l’hiver 2020. Tout le monde. Mais qui l’a lu ? Moi même, je m’étais dit que je ne le lirai pas, puisque tout le monde allait (forcément) en parler. C’était avant que l’on ne me l’offre. Sa lecture venait après celle d’un roman autobiographique sensible (L’empreinte d’Alexandria Marzano-Lesnevich) et ce n’était pas forcément le plus simple.
J’ai lu ce roman quasiment d’une traite. Quasiment. Ce qui est raconté dedans m’a littéralement mise en colère. Parce que je me suis dit « non, pas possible, il y a forcément quelqu’un qui va réagir ». Et bien non. Vanessa est seule, irrémédiablement. Alors oui, Vanessa a une mère, qui ne s’émouvra que lors de la rupture. Elle a aussi un père, totalement défaillant. Ne parlons pas non plus du milieu médical, aperçu furtivement, et qui passe complètement à côté de cette histoire entre une adolescente et un homme qui pourrait presque être son grand-père, à quelques années près (oui, je force le trait, un peu). Il est la brigade des mineurs, aussi, qui « enquête », et ne parviendra à aucun résultat – on peut franchement se demander comment.
Le consentement, c’est l’histoire d’une proie, et de son prédateur. Ce n’est pas une belle histoire. C’est l’histoire d’une toute jeune fille, amoureuse, oui, d’un homme qui sent, qui sait qu’il pourra faire ce qu’il veut d’elle puisqu’elle l’aime aveuglément, puisque personne n’est là pour la mettre en garde, puisqu’elle n’a pas les armes intellectuelles et émotionnelles pour se prémunir contre ce prédateur. Il sait manipuler les mots et les êtres. Alors non, ce n’est pas le roman d’une époque, parce que cette époque, je l’ai vécu moi aussi, c’est le roman d’un milieu cultivé, très cultivé, pour qui toutes les transgressions sont bonnes, qui dissocient l’homme de l’oeuvre, qui se targue de faire « oeuvre littéraire » et non « morale ». Un tel constat ne donne pas envie d’écrire.
Et pourtant, Vanessa l’a fait. Elle qui était devenue un objet littéraire, elle dont le prédateur réinventait sans cesse l’histoire dans ses livres, dans ses journaux, elle s’est réapproprié son histoire dans ce livre. Parce que le consentement, c’est cela aussi, c’est l’histoire d’un long retour à une vie normale, un très long retour, et l’autrice n’oublie pas les hommes, les femmes, qui ont jalonné son parcours et l’ont aidé à vivre, tout simplement : ceux qui lui ont permis de sortir de l’isolement dans lequel elle avait été plongée, ceux qui lui ont permis de reprendre le cours de sa vie d’adolescente (parce qu’elle était une adolescente, non une femme, ne l’oublions pas), de construire sa vie d’adulte, de femme, de mère, avec toujours, en arrière-plan, le rappel de ce qu’elle a vécu, par livre ou lettre interposée.
Ce livre est-il utile pour d’autres victimes ? Demande-t-on à un livre s’il est utile ? Il est le signe que peut-être, la parole des victimes va enfin se libérer, s’incarner, être écoutée – pour qu’elles ne soient pas, à vie, uniquement des victimes.
Edition Grasset - 212 pages
Présentation de l’éditeur :
Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. A treize ans, dans un dîner, elle rencontre G. , un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses oeillades énamourées et l’attention qu’il lui porte.
Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin » impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables.
Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire.
Mon avis :
Le livre. L’affaire.
Ce livre est dans doute celui dont tout le monde a parlé pour cette rentrée littéraire de l’hiver 2020. Tout le monde. Mais qui l’a lu ? Moi même, je m’étais dit que je ne le lirai pas, puisque tout le monde allait (forcément) en parler. C’était avant que l’on ne me l’offre. Sa lecture venait après celle d’un roman autobiographique sensible (L’empreinte d’Alexandria Marzano-Lesnevich) et ce n’était pas forcément le plus simple.
J’ai lu ce roman quasiment d’une traite. Quasiment. Ce qui est raconté dedans m’a littéralement mise en colère. Parce que je me suis dit « non, pas possible, il y a forcément quelqu’un qui va réagir ». Et bien non. Vanessa est seule, irrémédiablement. Alors oui, Vanessa a une mère, qui ne s’émouvra que lors de la rupture. Elle a aussi un père, totalement défaillant. Ne parlons pas non plus du milieu médical, aperçu furtivement, et qui passe complètement à côté de cette histoire entre une adolescente et un homme qui pourrait presque être son grand-père, à quelques années près (oui, je force le trait, un peu). Il est la brigade des mineurs, aussi, qui « enquête », et ne parviendra à aucun résultat – on peut franchement se demander comment.
Le consentement, c’est l’histoire d’une proie, et de son prédateur. Ce n’est pas une belle histoire. C’est l’histoire d’une toute jeune fille, amoureuse, oui, d’un homme qui sent, qui sait qu’il pourra faire ce qu’il veut d’elle puisqu’elle l’aime aveuglément, puisque personne n’est là pour la mettre en garde, puisqu’elle n’a pas les armes intellectuelles et émotionnelles pour se prémunir contre ce prédateur. Il sait manipuler les mots et les êtres. Alors non, ce n’est pas le roman d’une époque, parce que cette époque, je l’ai vécu moi aussi, c’est le roman d’un milieu cultivé, très cultivé, pour qui toutes les transgressions sont bonnes, qui dissocient l’homme de l’oeuvre, qui se targue de faire « oeuvre littéraire » et non « morale ». Un tel constat ne donne pas envie d’écrire.
Et pourtant, Vanessa l’a fait. Elle qui était devenue un objet littéraire, elle dont le prédateur réinventait sans cesse l’histoire dans ses livres, dans ses journaux, elle s’est réapproprié son histoire dans ce livre. Parce que le consentement, c’est cela aussi, c’est l’histoire d’un long retour à une vie normale, un très long retour, et l’autrice n’oublie pas les hommes, les femmes, qui ont jalonné son parcours et l’ont aidé à vivre, tout simplement : ceux qui lui ont permis de sortir de l’isolement dans lequel elle avait été plongée, ceux qui lui ont permis de reprendre le cours de sa vie d’adolescente (parce qu’elle était une adolescente, non une femme, ne l’oublions pas), de construire sa vie d’adulte, de femme, de mère, avec toujours, en arrière-plan, le rappel de ce qu’elle a vécu, par livre ou lettre interposée.
Ce livre est-il utile pour d’autres victimes ? Demande-t-on à un livre s’il est utile ? Il est le signe que peut-être, la parole des victimes va enfin se libérer, s’incarner, être écoutée – pour qu’elles ne soient pas, à vie, uniquement des victimes.