Saudade de Jean-Paul Delfino, editions Le Passage, 530 pages
Quatrième de couverture
Follement amoureux de son pays, Dom Pedro II, empereur humaniste, a une mission : transformer Rio de Janeiro en une capitale étincelante et le Brésil du XIXe siècle en l’une des nations les plus puissantes du monde. S’inspirant des idées généreuses des Lumières, il bouscule l’ordre établi, ouvre les frontières à la modernité, encourage le développement des arts et des sciences et accompagne l’essor des chemins de fer, de l’industrie, de la photographie… alors que le peuple lutte pour sa survie, sa liberté et la fin de l’esclavage.
Dans ce roman foisonnant se croisent les destins de personnages hauts en couleur : Zumbi, un homme autrefois injustement condamné, mutilé, les yeux crevés, qui garde l’espoir que sa fille, Marina, après dix ans passés en prison, viendra le retrouver ; Rosa, une ancienne prostituée au grand cœur ; Filomena, fille d’un fazendeiro réactionnaire et raciste et d’une esclave Minas ; Raimundo, maton dans la lugubre prison du Calabouço et mélomane à ses heures ; l’énigmatique Madame de Barral, issue à la fois du peuple et de la noblesse, de Bahia et de Paris, mariée et amante impossible de Dom Pedro II…
Amours contrariées, soubresauts de l’histoire, assassinats, révoltes, espoirs, luttes fratricides, traite négrière, mais aussi musique populaire, poésie, délices gastronomiques, sensualité et coups de théâtre ponctuent cette saga brésilienne. Et lorsque se calment la fureur et les larmes, affleure la saudade, ce sentiment si particulier teinté de langueur et de nostalgie.
Saudade est le huitième volet de la Suite brésilienne de Jean-Paul Delfino, une fresque commencée en 2005 avec Corcovado et qui couvre une période de près de trois siècles.
Mon avis
Cinq cents pages pour un demi siècle d'histoire... Je découvre cet auteur, j'ignore tout des précédents romans qui constituent avec Saudade cette "suite brésilienne".
Qu'importe, j'ai découvert le Brésil du XIXème siècle dans cette saga.
La lecture en a été pour moi très plaisante.
Pendant quelques jours, j'ai cheminé aux côtés de Dom Pedro II, dernier empereur du Brésil et j'ai soutenu Marina Zumbi dans sa quête de justice et de liberté, le bonheur étant pour elle, un luxe inabordable. Ces deux vies avancent sur deux lignes parallèles. Leur seul lien, l'amour qu'ils partagent pour cette terre.
Extraits
Bien entendu, on disait volontiers que l'esclavage au Brésil n'avait rien de comparable avec celui qui avait sévi en Amérique du Nord, qu'il était moins violent, plus humain, que l'on veillait à ne pas séparer les membres d'une même famille de pretos novos lors de leur arrivée, qu'ils étaient nourris convenablement et qu'ils s'acclimataient sans trop de peine sous les tropiques. Pourtant, malgré toutes les précautions oratoires dont certains enrobaient le sujet avant d'en débattre, comme ils l'auraient fait d'un rôti avec des bardes de lard gras, la réalité restait la même, implacable, inchangée depuis que les premiers croque-morts avaient déchargé leurs pièces de bois d'ébène dans la baie de Guanabara ou du côté de Bahia. La peine capitale ou les amputations châtiaient toujours les esclaves en fuite, les tronçons restaient fichés sur les plus grandes places des villes, la chicote, le fouet ou la flétrissure étaient d'une utilisation quotidienne et les Africains, baptisés ou pas, n'avaient aucun droit, pas même celui à l'éducation et ils demeuraient, dans l'esprit des fazendeiros et de leurs tenants, des sous-hommes auxquels Dieu lui-même n'avait pas cru bon d'accorder une âme.
En grimaçant, Dom Pedro observa son épouse qui, tous les trois coups d'aiguille exactement, effleurait de l'index de sa main droite le crucifix qu'elle portait en sautoir sur sa poitrine. En son for intérieur, il maudit une nouvelle fois l'obscurantisme dans lequel elle aimait à se baigner et à se prélasser, tout sens critique éteint, limitant avec délectation ses compétences intellectuelles à sa seule éducation religieuse. Pour elle, comme pour l'ensemble des conservateurs, le monde était parfaitement réglé. D'un côté il y avait les blancs, riches et oisifs et de l'autre, conçus uniquement pour accroître encore les richesses des dernièrs face à la force de leur travail, il y avait les esclaves. Le café avait besoin de bras et les Noirs étaient là pour le planter, le biner, l'arroser, le cueillir, l'ensachet et l'expédier à l'autre bout du monde. Au Brésil les choses avaient toujours été ainsi et il n'y avait absolument aucune raison pour que cela change. DOM Pedro II le savait et il trouvait, avec un plaisir trouble, des arguments pour pouvoir continuer à croire à cette fable, n'était-ce qu'en lisant ce livre qu'il venait de recevoir et qui, signé par un certain M. Arthur de Gobineau, faisait tout son possible pour démontrer de façon scientifique la supériorité de la race germanique sur toutes les autres races. Le Noir était fait pour servir et le Blanc pour commander.
Au fond de lui-même, l'empereur savait pourtant confusément que cette distribution des cartes, réglée avec toute la bienveillance des édiles et la bénédiction de l'église, était pipée. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait d'ailleurs immédiatement mis un terme à l'esclavage et puni sa pratique de la plus inflexible des façons.
La loi du Ventre Libre ne sera jamais appliquée, mais c'est pour eux un coup de semonce. L'esclavage ne durera plus et, d'ici à quelques années, tous ces messieurs vont perdre une partie considérable de leur fortune
Quatrième de couverture
Follement amoureux de son pays, Dom Pedro II, empereur humaniste, a une mission : transformer Rio de Janeiro en une capitale étincelante et le Brésil du XIXe siècle en l’une des nations les plus puissantes du monde. S’inspirant des idées généreuses des Lumières, il bouscule l’ordre établi, ouvre les frontières à la modernité, encourage le développement des arts et des sciences et accompagne l’essor des chemins de fer, de l’industrie, de la photographie… alors que le peuple lutte pour sa survie, sa liberté et la fin de l’esclavage.
Dans ce roman foisonnant se croisent les destins de personnages hauts en couleur : Zumbi, un homme autrefois injustement condamné, mutilé, les yeux crevés, qui garde l’espoir que sa fille, Marina, après dix ans passés en prison, viendra le retrouver ; Rosa, une ancienne prostituée au grand cœur ; Filomena, fille d’un fazendeiro réactionnaire et raciste et d’une esclave Minas ; Raimundo, maton dans la lugubre prison du Calabouço et mélomane à ses heures ; l’énigmatique Madame de Barral, issue à la fois du peuple et de la noblesse, de Bahia et de Paris, mariée et amante impossible de Dom Pedro II…
Amours contrariées, soubresauts de l’histoire, assassinats, révoltes, espoirs, luttes fratricides, traite négrière, mais aussi musique populaire, poésie, délices gastronomiques, sensualité et coups de théâtre ponctuent cette saga brésilienne. Et lorsque se calment la fureur et les larmes, affleure la saudade, ce sentiment si particulier teinté de langueur et de nostalgie.
Saudade est le huitième volet de la Suite brésilienne de Jean-Paul Delfino, une fresque commencée en 2005 avec Corcovado et qui couvre une période de près de trois siècles.
Mon avis
Cinq cents pages pour un demi siècle d'histoire... Je découvre cet auteur, j'ignore tout des précédents romans qui constituent avec Saudade cette "suite brésilienne".
Qu'importe, j'ai découvert le Brésil du XIXème siècle dans cette saga.
La lecture en a été pour moi très plaisante.
Pendant quelques jours, j'ai cheminé aux côtés de Dom Pedro II, dernier empereur du Brésil et j'ai soutenu Marina Zumbi dans sa quête de justice et de liberté, le bonheur étant pour elle, un luxe inabordable. Ces deux vies avancent sur deux lignes parallèles. Leur seul lien, l'amour qu'ils partagent pour cette terre.
Extraits
Bien entendu, on disait volontiers que l'esclavage au Brésil n'avait rien de comparable avec celui qui avait sévi en Amérique du Nord, qu'il était moins violent, plus humain, que l'on veillait à ne pas séparer les membres d'une même famille de pretos novos lors de leur arrivée, qu'ils étaient nourris convenablement et qu'ils s'acclimataient sans trop de peine sous les tropiques. Pourtant, malgré toutes les précautions oratoires dont certains enrobaient le sujet avant d'en débattre, comme ils l'auraient fait d'un rôti avec des bardes de lard gras, la réalité restait la même, implacable, inchangée depuis que les premiers croque-morts avaient déchargé leurs pièces de bois d'ébène dans la baie de Guanabara ou du côté de Bahia. La peine capitale ou les amputations châtiaient toujours les esclaves en fuite, les tronçons restaient fichés sur les plus grandes places des villes, la chicote, le fouet ou la flétrissure étaient d'une utilisation quotidienne et les Africains, baptisés ou pas, n'avaient aucun droit, pas même celui à l'éducation et ils demeuraient, dans l'esprit des fazendeiros et de leurs tenants, des sous-hommes auxquels Dieu lui-même n'avait pas cru bon d'accorder une âme.
En grimaçant, Dom Pedro observa son épouse qui, tous les trois coups d'aiguille exactement, effleurait de l'index de sa main droite le crucifix qu'elle portait en sautoir sur sa poitrine. En son for intérieur, il maudit une nouvelle fois l'obscurantisme dans lequel elle aimait à se baigner et à se prélasser, tout sens critique éteint, limitant avec délectation ses compétences intellectuelles à sa seule éducation religieuse. Pour elle, comme pour l'ensemble des conservateurs, le monde était parfaitement réglé. D'un côté il y avait les blancs, riches et oisifs et de l'autre, conçus uniquement pour accroître encore les richesses des dernièrs face à la force de leur travail, il y avait les esclaves. Le café avait besoin de bras et les Noirs étaient là pour le planter, le biner, l'arroser, le cueillir, l'ensachet et l'expédier à l'autre bout du monde. Au Brésil les choses avaient toujours été ainsi et il n'y avait absolument aucune raison pour que cela change. DOM Pedro II le savait et il trouvait, avec un plaisir trouble, des arguments pour pouvoir continuer à croire à cette fable, n'était-ce qu'en lisant ce livre qu'il venait de recevoir et qui, signé par un certain M. Arthur de Gobineau, faisait tout son possible pour démontrer de façon scientifique la supériorité de la race germanique sur toutes les autres races. Le Noir était fait pour servir et le Blanc pour commander.
Au fond de lui-même, l'empereur savait pourtant confusément que cette distribution des cartes, réglée avec toute la bienveillance des édiles et la bénédiction de l'église, était pipée. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait d'ailleurs immédiatement mis un terme à l'esclavage et puni sa pratique de la plus inflexible des façons.
La loi du Ventre Libre ne sera jamais appliquée, mais c'est pour eux un coup de semonce. L'esclavage ne durera plus et, d'ici à quelques années, tous ces messieurs vont perdre une partie considérable de leur fortune